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resistanceetamour

Ceci est le blog d'un documentaliste révolté contre les injustices de notre société.

partie 4 de la première partie de ma recherche

Publié le 18 Juin 2012 par resistanceetamour in histoire

Elle pense déjà à épouser Ferdinand III de Habsbourg et  ne voit Charles que comme un « objet de pitié »1, « avec dédain »2: elle résiste aux pressions de la reine et de Mazarin qui tentent de la convaincre: « La reine me témoigna fort désirer ce mariage, et M. le Cardinal de même, et m’assura que la France assisterait puissamment le roi d’Angleterre »3. Elle résiste aussi face à La Rivière, et à Monsieur son père qui lui dit : « La reine d'Angleterre m'a fait la proposition que vous a dite la Rivière ; voyez ce que vous avez à faire là-dessus. » Ce à quoi elle lui répond, en mentant, qu’elle se pliera à sa volonté. D’après mademoiselle de Montpensier, Mazarin et la reine diront ensuite à la reine d’Angleterre d’elle que : « C’est une créature qu’il faut gagner ; elle fait ce qu’elle veut, et nous n’avons point de pouvoir sur elle »4; ce que confirme la Grande Mademoiselle concernant le sujet de son mariage : « il est vrai qu’ils avaient quelque sujet sur le chapitre du mariage d’avoir cette pensée »5.

Elle s’enthousiasme, en revanche, à l’idée, d’épouser l’empereur d’Autriche Ferdinand III de Habsbourg, se plaint même que Mazarin ne l’y aide pas « Le cardinal Mazarin me parlait souvent de me faire épouser l'Empereur ; et quoiqu'il ne fît rien pour cela, il m'assurait fort qu'il y travaillait. »6 Elle pense qu’il se moque d’elle, ne la prend pas au sérieux : « tout cela n’était que pour m’amuser »7.

Elle aurait pu épouser Louis XIV. C’était en effet l’une des conditions que Condé avait posées à Mazarin pour qu’il arrête sa Fronde. Mais ce projet est anéanti par son attitude le 2 juillet 1652 lors de la bataille du Faubourg Saint-Antoine. Alors que Condé est en danger : « et qu’il serait ravi de tirer M. le prince du péril où il était exposé »5. Elle fait alors tirer au canon : « je me promenais longtemps sur les tours, et je fis changer le canon »6. Elle fait tirer les canons de la Bastille sur les troupes royales dirigées par Turenne7 pour sauver Condé qui est selon elle « l’homme du monde le plus raisonnable »8.

Mariage avec le roi du Portugal. Turenne veut la convaincre d’épouser le roi du Portugal. « Je vous veux marier » dit-il9. Ce  à quoi la Grande Mademoiselle objecte par avance sans savoir encore de qui il s’agit : « cela n’est  pas facile, je suis contente de ma condition. »10Turenne précise alors qu’il s’agit d’être reine du Portugal « je vous veux faire reine, mais écoutez moi, laissez moi tout dire, et puis vous parlerez. Je vous veux faire reine du Portugal »11. Elle refuse tout de suite : « Fi ! me récriai-je, je n’en veux point »12. Ce à quoi Turenne répond que sa volonté doit être celle du roi « les filles de votre qualité n’ont point de volonté ; elle doit être celle du roi. »13 mais il ne parle pas officiellement au nom du roi. Le mariage pourrait servir les intérêts de la France, comme le dit Turenne : « l’alliance[1]de France était la chose que l’on devait la plus ardemment désirer ». Turenne fait l’éloge du roi du Portugal pour convaincre la Grande Mademoiselle qui a peur de devoir revenir, si les Espagnols la chassent, faire l’aumône en France : « que les Espagnols [me] chasseraient, et de venir en France demander l’aumône, quand mon bien serait mangé ». Il continue à essayer de la convaincre mais c’est un échec. Le refus de la Grande Mademoiselle de ce mariage que le roi veut, entraînera son exil : « je ne voulus pas taire la cause de mon exil : j’écrivis à tout ce que je connaissais de gens que c’était parce que je ne voulais pas épouser le roi du Portugal ; »

 

Mais après toutes ces attentes, ces rêves, ces échecs matrimoniaux,  toutes les précautions pécuniaires ou même de prestige de Mademoiselle s’évanouissent quand elle veut se marier avec Lauzun et tente à deux reprises d’en convaincre le roi qui n’a pas l’air d’être totalement opposé au départ : « il me marquait l’étonnement où il était ; il me priait de ne rien faire de léger ; d’y bien songer ; qu’il ne me contraindrait jamais ; qu’il m’aimait ; qu’il m’en donnerait toujours des marques en toutes occasions. »14. Elle vit enfin une passion et veut convaincre le Roi. Elle n’est plus alors un personnage cornélien, raisonnable mais est devenue une héroïne racinienne, emportée par la passion…

Mademoiselle remarque Lauzun en 1660, soit à 33 ans. Elle tombe amoureuse de lui vers 1669 et essaye de le lui faire comprendre en 1670. Lauzun feint de ne pas comprendre car il connaît les risques : elle est la cousine du Roi et le roi veille sur la réputation de sa famille, sur son prestige. Le roi veut lui faire épouser son frère Philippe de France : « le roi me dit : « au moins devant que vous épousiez mon frère » »15, ce qu’elle ne veut pas : « je ne compte point là-dessus »16. Aussi Lauzun fait-il[2]l’innocent, le modeste. Il veut vérifier qu’elle ne le manipule pas et s’assurer de son amour pour éviter les risques, qu’il n’évitera d’ailleurs pas. En effet il sera mis, pour cette raison, en prison à Pignerol en 1671, où il retrouvera Fouquet17. Combien d’années en prison ? Mademoiselle de Montpensier obtiendra sa libération en échange d’un duché donné à l’un des fils de la Montespan, duc de Maine, protégé par la nouvelle maîtresse de Louis XIV, Madame de Maintenon. Elle cesse d’écrire en 1688 soit cinq ans avant sa mort en 1693. Dangeau note que Lauzun vient réclamer sa part de l’héritage  le 7 avril 1693: « M. de Lauzun est venu l’après-dînée porter au roi un papier que Mademoiselle avait mis entre les mains de Madame de Nogent » (P 261 Dangeau tome IV). Il y est désigné légataire universel mais La Grande Mademoiselle avait fait entre temps un nouveau testament annulant cette disposition.

Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, appartient à une famille noble. Son père, Louis de Courcillon, fut lui aussi marquis de Dangeau. Né calviniste, il se convertit assez jeune à la religion catholique. Elu, sans avoir rien publié, membre de l'Académie française en 1668, il devint aussi le 3 mai 1704, membre de l’Académie des sciences en la place de Monsieur de l’Hospital mort deux mois auparavant.

Pendant trente-six ans, jour par jour, de 1684 à 1720, Dangeau a tenu consciencieusement un journal précis, mine de renseignements et de détails sur la vie de la cour de France. C’est grâce à sa proximité avec la famille royale qu’il peut nous offrir tous ces détails. On peut voir cette proximité par les cadeaux, les privilèges que lui donna la famille royale qu’il note lui-même le Mercredi 12 avril 1684 : « Monseigneur18 prit médecine, et me donna deux petits tableaux de sa propre main ». Il le note encore le samedi 15 avril 1684 : le roi me dit qu’il me ferait servir d’aide de camp cette année ». [3]

S’il a ces privilèges, c’est d’une part grâce aux dons de la famille Royale mais c’est aussi grâce à ses qualités. En effet c’est un militaire. C’est ce qu’on peut voir par un écrit de Fontenelle19 qui mentionne sur Dangeau un éloge qui contraste fortement avec toutes les critiques qui sont dites contre lui, que nous allons voir, et lui donne les qualités de l’homme de cour : « M. le Marquis de Dangeau fut élevé en homme de la condition. » « En 1657 et 1658 il servit en Flandre Capitaine de Cavalerie sous M. de Turenne. Après la Paix des Pyrénées un grand nombre d’Officiers François, qui ne pouvaient souffrir l’oisiveté, allèrent chercher la Guerre dans le Portugal que l’Espagne voulait remettre sous la domination. ». Il dit de Dangeau qu’il a une « ardeur militaire ».

Son séjour en Espagne lui vaut des avantages : « Les deux Reines [Anne d’Autriche et Marie Thérèse d’Autriche] […] étaient bien aisées de l’entendre parler de leur pays » et ce en plus dans leur langue (elles parlent Espagnol).

Il a écrit des lettres que lui a demandées le roi pour sa maîtresse Louise de La Vallière et écrit aussi les réponses de celle-ci au Roi durant un certain temps.

Au journal de Dangeau sont adjointes les critiques parfois injustes de Saint Simon qui ne voit en Dangeau qu’un courtisan. Il tient le journal au jour le jour, de la cour, à Versailles ou ailleurs. Il suit le roi dans ses déplacements, Versailles, Marly, en campagne militaire. Pourtant, s’il ne fait pas de critiques explicites, Dangeau prend des notes, écrit un journal, il relève, enregistre, mentionne de façon neutre, objective. On peut cependant relever des marques de la subjectivité. Il emploie la première personne « je » « me » « nous » et montre parfois ainsi ses rapports, ses liens avec le roi : « le roi me dit », « j’appris que le roi avait donné » ou le jeudi 1er juin 1684 : « Le matin il arriva un courrier de M. de Seignelay, qui mandait au roi que Gênes était fort endommagé par nos bombes, et que nous avions fait une descente à Saint-Pierre d’Arène, faubourg où étaient leurs plus beaux palais ; », le lundi 11 septembre : « Ce soir-là je pris congé du Roi pour m’en aller passer quelques jours en Touraine », le 5 décembre 1684 : « J’appris que le roi prenait pour lui le logement de Madame de Montespan » ou encore le 28 décembre 1684 :  « J’eus ce jour-là audience du roi dans son cabinet. »

Malgré l’absence de critique explicite, un lecteur attentif peut relever des notations implicites qui, selon leur interprétation peuvent donner des indications. Mais cela pose aussi  les problèmes que peut entraîner l’interprétation qui n’est pas toujours fiable, ce que nous étudierons plus précisément dans la seconde partie.[4]

Dangeau parle beaucoup de la guerre, montre une guerre omniprésente, avec un roi chef des armées notamment en avril 1684 au Luxembourg. Le siège du Luxembourg commence le 28 avril 1684, après que Louis XIV a demandé au maréchal de Créqui de l’investir : « Jeudi 27.- Le roi déclara en dînant qu’il avait donné ordre au maréchal de Créqui d’investir ce soir-là Luxembourg, où il comptait qu’il n’y avait que 2000 hommes de garnison. ». Des soldats meurent au combat notamment le marquis d’Humières « Le soir il sut que le marquis d’Humières avait été tué à Luxembourg. »20.  On peut remarquer que pendant cette guerre, Dangeau note que la comédie (théâtre), les loisirs (fêtes), et d’autres activités sont toujours présentes même en temps de guerre : « Jeudi 18.- Le soir, le roi et Monseigneur allèrent tirer des cailles dans la prairie ; au retour il y eut comédie chez madame la Dauphine. ». Ce siège se termine le 4 juin quand le maréchal de Créqui prend la ville du Luxembourg, Dangeau évoque la fin de la guerre dès le 3 juin : « Samedi 3.- On comptait que Luxembourg était rendu. Et le roi fit le matin chanter le Te Deum ; ». Retz et la Grande [5] Mademoiselle parlent de la guerre de façon plus épisodique. En effet, ils évoquent tous les deux la Victoire de Lens tout en insistant plus sur les défauts qu’elle a pour eux. Retz dit de la victoire de Lens : « Voilà l’état où j’étais à la cour quand je sortis de l’hôtel de Lesdiguières, pour remédier, autant que je pourrais, au mauvais effet que la nouvelle de la victoire de Lens et la réflexion de M. de Chavigni m’avait fait appréhender. »21. Retz dénonce que le Cardinal et la reine pourraient profiter de cette victoire pour assouvir des règlements de comptes, «  des sentiments de vengeance »22

La Grande Mademoiselle, quant à elle, est triste car celui qui a obtenu cette victoire sur les Espagnols commandés par l’Archiduc Léopold le 20 août 1648 est Condé, qu’elle n’aime pas : «  Un jour après que je fus au Bois-le Vicomte, la nouvelle vint de la bataille de Lens que M. le Prince avait gagnée. Comme l’on savait l’aversion que j’avais pour lui, personne ne me l’osa dire : l’on mit sur ma table la relation qui était venue de Paris, au sortir de mon lit je vis ce papier sur ma table, je le lus avec beaucoup d’étonnement et de douleur. ».

Retz et la Grande mademoiselle préfèrent se concentrer sur les troubles intérieurs, les Frondes.

Dangeau nous éclaire sur tout ce que fait le Roi, ses multiples activités, ses loisirs, il chasse, il fait de la comédie, il danse…

Louis XIV est un « hyper actif », un chef d’Etat monarque, il gère tout, tout seul !

Il est chef militaire. Hôte de ses invités, il est chef de la diplomatie. Par exemple, il reçoit le Roi d’Angleterre et sa mère, Reine d’Angleterre. Dangeau décrit aussi les amours du Roi.

Dangeau est décrit par Jean de La Bruyèreau travers du portrait de Pamphile. La  Bruyère décrit quelqu’un qui est essentiellement dans le paraître : «  Il a une fausse grandeur qui l’abaisse et qui embarrasse fort ceux qui sont ses amis et qui ne veulent pas le mépriser ». Il décrit quelqu’un qui est vaniteux, prétentieux, orgueilleux : « Un Pamphile est plein de lui-même. ». Il existe grâce à un noble dont il est le domestique : « Un Pamphile, en un mot, veut être grand, il croit l’être, il ne l’est pas ; il est d’après un grand. » Il décrit aussi Dangeau comme quelqu’un qui joue un rôle : « Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre. », il est dans le paraître, en représentation. Dangeau n’est pas un parfait courtisan selon la Bruyère23.

Il est décrit par Saint-Simon, qui ne le considère pas comme un noble : « Sa noblesse était fort courte, du pays chartrain, et sa famille était huguenote ; il se fit catholique de bonne heure et s’occupa fort de percer et de faire fortune. ». Il critique son trop plein d’ambition : « C’était le meilleur homme du monde, mais à qui la tête avait tourné d’être seigneur ; cela l’avait chamarré de ridicules. ». Il dit enfin de Dangeau qu’il a une « fadeur naturelle ». On peut noter que Pamphile est d’abord un nom qui représente un personnage ensuite ce mot passe au pluriel et représente alors un genre de personnes, une généralité : tous ceux qui font la cour au Roi, les courtisans.

[6]

Selon Baldassare Castiglioni1 deux types de critères peuvent seuls permettre de reconnaître les qualités du parfait courtisan. Les premiers sont entièrement extériorisés et peuvent être fondés sur un simple calcul social : c’est, fondamentalement, la faveur du prince, la réussite qui lui est attachée et, au- delà, l’estime des pères qui sanctionnent visiblement la vertu courtisane. Les seconds sont, à l’inverse, indicibles. Ils sont l’ordre de la grâce, du don intime qui exprime la double élection de la naissance et du talent. L’excellence courtisane ne s’apprend pas, elle se reconnaît dans tous les comportements comme une évidence partagée. Ainsi le courtisan s’identifie à la construction d’un personnage social capable de plaire par le nombre et l’éminence en s’étalant (dans la conversation, dans les armes, dans la danse, dans le jeu, où encore dans les attitudes quotidiennes). Cette image seule compte, le paraître doit devenir une façon d’être.

 



1. Mémoires mademoiselle de Montpensier P140  chapitre 4 partie 1

2. Mémoires mademoiselle de Montpensier P142  chapitre 4 partie 1

3. Mémoires mademoiselle de montpensier P222 chapitre 6 partie 1

4. Mémoires mademoiselle de Montpensier P220 chapitre 6 partie 1 numérotation gallica

5. Ibid

Note pages 16 suite

6. Mémoires mademoiselle de Montpensier P142 chapitre 4 partie 1numérotation gallica

7. Henri de La Tour d’Auvergne vicomte de Turenne, maréchal de France en 1643 puis  maréchal général des camps et armées du roi en 1660

8. Mémoires mademoiselle de Montpensier p 22 chapitre XI, partie 110. Ibid

9. Mémoires mademoiselle de Montpensier p 34 chapitre V partie 1 numérotation gallica

10. Ibid

11. Ibid

12. Ibid

13. Ibid.

 

 

14.     mémoires de mademoiselle de Montpensier p 183 chapitre 14 partie 2 numérotation gallica

15.     mémoires de mademoiselle de Montpensier p 165 chapitre 13 partie 2 numérotation gallica

16.     mémoires de mademoiselle de Montpensier (p 155 chapitre 12 partie 2) numérotation gallica

17.     Nicolas Fouquet surintendant de finances sous mazarin puis Louis XIV. Il est surtout connu pour son procès, de trois ans, qui l’a jugé pour malversation et complot contre le roi. Il est condamné à la confiscation de ses biens et, au bannissement hors du royaume, peine que le roi aggrave en prison à vie.

18.     Fils aîné de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche, Louis de France, Dauphin, surnommé le grand Dauphin et appelé à la cour Monseigneur, faisait des dessins au crayon ou à la plume, dont plusieurs sont conservés au cabinet des estampes.

19.     Bernard Le Bouyer de Fontenelle, écrivain français, Nommé membre de l’Académie française en 1691, après avoir essuyé quatre refus Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences de 1699 à 1737, il fit aussi partie de l’Académie des inscriptions. Il a écrit de nombreux éloges.

 

 

20. Journal de Dangeau page 9 tome 1 numérotation google books

21      Mémoires de retz, (P142)

22      Ibid

23      Jean de la Bruyère, dans ses portraits et caractères brosse des portraits très vivants de personnages contemporains qu’il a observés.

1. Baldassare Castiglion, Il libro del Cortegiano

 

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