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resistanceetamour

Ceci est le blog d'un documentaliste révolté contre les injustices de notre société.

partie 3 de la première partie de ma recherche

Publié le 18 Juin 2012 par resistanceetamour in histoire

Elle se décrit dans les Mémoires comme une personne active, toujours occupée, rêveuse quelquefois, peu encline à l’ennui.

« Nous menions une vie assez douce et exempte d’ennui ; je suis la personne qui m’ennuie le moins, m’occupant toujours, et me divertissant même à rêver. Je ne m’ennuie que quand je suis avec des gens qui ne me plaisent pas, ou que je suis contrainte. »

Elle aime lire, et s’intéresse aux femmes qui ont écrit leurs mémoires. Elle est aussi tentée par l’écriture et accepte à son tour d’écrire ses mémoires mais les fait arranger par Préfontaine. Elle n’a pas la prétention de bien écrire.

« Comme la Vie de madame de Fouquerolles fut imprimée, je trouvai que cette occupation m’avait divertie. J’avais lu les mémoires de la reine Marguerite ; tout cela, joint à la proposition que la comtesse de Fiesque, madame de Frontenac et son mari me firent de faire des mémoires, me fit résoudre à commencer ceux-ci. Préfontaine me dit aussi que si cela me plaisait, j’en devais faire. J’écrivis en peu de temps depuis le commencement jusques à l’affaire de l’Hôtel- de-Ville ; et comme j’écris fort mal, je donnais à Préfontaine, à mesure que j’écrivais, à mettre au net. »1

Elle dit éprouver de la répugnance pour l’amour qu’elle considère comme une passion indigne d’elle et de l’image qu’elle a d’elle. La raison doit l’emporter sur la passion et en cela elle est très cornélienne, comme Chimène2. Elle se veut vertueuse et ne s’identifie pas aux personnages raciniens comme Phèdre : « Pour moi, j’étais fort étonnée de voir cela ; j’avais toujours eu une grande aversion pour l’amour, même pour celui qui allait au légitime, tant cette passion me paraissait indigne d’une âme bien faite ! »3.

[1]Elle se trouve souvent en conflit avec son père notamment en ce qui concerne l’héritage de sa mère. Ces disputes aboutissent quelquefois à des réconciliations. « On me dit que Monsieur était un peu scandalisé de ce que j’avais dit, et qu’il fallait que je lui en fisse des excuses ; ce que je fis très volontiers, ne voulant en rien manquer envers lui à me soumettre à toutes les choses qu’il désirerait de moi. Je lui dis que l’amitié que j’avais pour lui était capable de me faire emporter sur des chapitres auxquels je voyais que la sienne avait été altérée par moi, et que ma faute partant de ce principe, j’espérais qu’il me la pardonnerait. Nous voilà raccommodés. » (p 345). Elle se désole du fait que son père croie les rumeurs que l’on dit sur elle : « Je remarquerai ici, quoiqu’à mon grand déplaisir, que tous ceux par qui Monsieur s’est laissé préoccuper, ont, pour mon malheur, toujours altéré son amitié pour moi, et sont encore aujourd’hui cause qu’il ne me traite pas comme j’ose dire l’y avoir obligé »4.

Elle agit, poussée plus par ses sentiments que par sa raison, ce qui est peut être dû au fait qu’elle est orpheline de mère.

 Ce sont les éléments personnels de sa vie qui l’amènent à agir auxquels nous allons maintenant nous intéresser. Elle dit aussi qu’elle ne faisait pas attention à ce qui se passait : « Je n’étais pas tellement occupée de mon jeu, que, lorsqu’on parlait de l’accommodement de Monsieur, je ne fusse bien attentive »5. Enfin elle soutient quand même son père en disant que la condition donnée au retour de Monsieur, d’épouser mademoiselle de Combalet, nièce du cardinal Richelieu et de laisser Margueritte de Lorraine au roi qui avait des vues sur elle est une « ridicule condition ».

Elle nous raconte le retour d’exil de Monsieur. Il revient en France cinq ans après son exil, en 1632, dû à son Mariage avec Marguerite de Vaudémont (appelée Marguerite de Lorraine) lorsque ce mariage est enfin accepté par le roi qui avait aussi des vues sur elle: « Aussitôt que je sus le retour de Monsieur en France, j’allai jusqu’à Limours à sa rencontre. Je n’avais que quatre ou cinq ans lorsqu’il s’en alla ; il voulut éprouver si après une si longue absence je le reconnaîtrais, et, pour n’avoir rien qui le distinguât de ceux de sa cour, il se fit ôter son cordon bleu, et puis on me dit : « Voyez qui de tous ceux-là est Monsieur. »6 En quoi la force de la nature m’instruisit si bien que, sans hésiter un moment, j’allai lui sauter au cou, dont il parut touché d’une merveilleuse joie. »7.[2]

Garapon8nous dresse d’elle le portrait psychologique d’une personne naïve, qui a de la candeur, de la franchise, ou encore de la promptitude. D’après lui, elle est profondément obsédée d’elle- même et travaillée d’une inquiétude secrète sur son propre compte. Il voit chez elle un équilibre entre le moi sensible et le moi glorieux, celui de la frondeuse. Il ne dénote pas chez elle d’originalité morale. Ses lectures, le contexte social la poussent à se voir comme une « héroïne » (épique), elle rêve de gloire, elle est marquée par les personnages cornéliens. Elle a assisté sans doute à des pièces de Pierre Corneille, elle en a lu. C’est dans la mystique d’une race royale autant que dans les rêves épiques et romanesques de sa culture que la princesse puise la haute idée qu’elle se fait d’elle-même.

Elle connaît bien les coulisses de la famille royale : elle en fait partie. Aussi son récit est-il intéressant car il nous peint ce qui se passe à la cour. Elle se décrit comme une enfant ayant des affinités avec Louis XIII et sa femme. Elle est alors très proche d’eux « j’étais tellement accoutumée à leurs caresses que j’appelais le roi «  mon petit papa » et la reine « ma petite maman », dont elle dit : « je croyais qu’elle l’était car je n’avais jamais vu ma mère ». Elle est apparemment en quête d’amour, d’affection. On peut se demander alors si ce souvenir est authentique ou s’il est « fabriqué » à partir de ce qu’on lui a raconté : de sa mémoire sociale. Le besoin d’affection s’explique par l’absence de sa mère, morte en couche, et de l’éloignement de son père absent de 1617 à 1621. Cette situation d’abandon d’après Christian Bouyer9, dure jusqu’en 1619, date où Marie de Médicis, mère de Louis XIII, qui s’était auto- exilée après l’assassinat de Concini par le duc de Luynes en 1617, rentre en France.

[3]

Elle se rapproche alors de sa grand-mère paternelle pour qui elle éprouve de l’affection. Mais Marie de Médicis déteste Richelieu, cardinal ministre de Louis XIII et la fillette est éloignée, alors, du Roi et de la Reine.

Membre de la famille royale, elle entre dans les plans diplomatiques, et est utilisée comme un pion par le roi qui s’oppose  aux mariages (envisagés  par d’autres que lui.). Sa fortune amène à des luttes d’influences, fait qu’elle est au cœur des enjeux diplomatiques. Elle se trouve ainsi au centre de conflits d’intérêt, car il faut la marier….

De plus elle est censée avoir un sens aigu de l’Etat car elle a été éduquée comme un membre de la famille royale. Louis XIV essaye de s’en servir, en faisant appel à ce sens aigu de l’Etat : «  On m’a dit que l’on disait dans le monde que je vous sacrifiais pour faire la fortune de M. de Lauzun ; cela me nuirait dans les pays étrangers, et que je ne devais point souffrir que cette affaire s’achevât. »10

Plusieurs projets de mariages échouent, qu’elle y adhère ou non. Elle aurait pu épouser le comte de Soissons, Louis de Bourbon. En effet elle dit de lui : « Son dessein était de m’épouser. Monsieur lui avait promis d’y consentir quand il était à Sedan, et cette intention lui faisait observer tout ce qui pouvait servir à se conserver dans ma mémoire. »11. Mais le comte de Soissons meurt, sa mort  est évoquée mais pas décrite : « Cependant  je n’avais sans savoir pourquoi, nulle inclination à me marier. La malheureuse destinée qu’il eut en ses desseins fait bien voir que nous n’étions pas nés l’un pour l’autre ; je ne laissai pas de bien pleurer sa mort ; »12 Pour se consoler, elle fait référence à la fatalité. Le comte de Soissons meurt au moment de sa victoire lors de la bataille de La Marfée (entre ses troupes et celles de Richelieu, du Roi) le 6 juillet 1641 comme nous le dit Retz: « Monsieur le Comte donna la bataille, et il la gagna. Vous croyez sans doute l’affaire bien avancée. Rien moins. Monsieur le comte est tué au milieu des siens, sans qu’il y en ait jamais eu un seul qui ait pu dire comment sa mort est arrivée. Cela est incroyable, et cela est pourtant vrai »13. On suspecte alors un assassinat qui aurait été ordonné par Richelieu, alors qu’il s’agit plus probablement d’un accident (un coup de pistolet alors qu’il relevait la visière de son casque).

Puis c’est le mariage avec Charles II roi d’Angleterre (entre 1651 et 1660, en exil France, dans les Provinces-Unies et dans les Pays-Bas espagnols) qui est envisagé par la Reine, le Cardinal Mazarin et par la Reine d’Angleterre, mère de ce roi. Charles fait la cour à La Grande Mademoiselle ouvertement et maladroitement: « il me suivait presque pas à pas; et, ce qui est rare et que je laisse à croire à qui voudra, c'est qu'au dire du prince Robert, son cousin germain et mon proche parent, qui lui servait d'interprète il entendait [au sens de comprendre et d’agréer] tout ce que je lui disais quoiqu'il n'entendît pas le français. Quand, après l'assemblée finie, je me retirai, je fus toute étonnée que, lorsque j'arrivai au logis, il m'avait suivie jusqu'à la porte; et, lorsque je fus entrée, il passa son chemin. La galanterie fut poussée si ouvertement qu’elle fit grand bruit dans le monde : tout l’hiver elle dura de la même force ; »14. Sa cour acharnée, « le prince était à mes pieds »15 ne fait pas oublier à Grande Mademoiselle qu’il est à la tête d’un pays dont il n’est le roi que selon lui. En effet on assiste alors à la première révolution anglaise où Charles Ier est exécuté. Aussi Charles veut-il se marier avec La Grande Mademoiselle, qui représente un bon parti, pour se remettre en place. Elle prend conscience des risques que court sa fortune, la reprise du pouvoir étant loin d’être assurée et Charles ne l’épousant que par intérêt : « je devais plutôt songer à mes intérêts qu’a ceux de mes proches »16. Aussi pour s’en sortir d’une façon diplomatique, elle dit à la reine d’Angleterre que son fils doit se convertir à la religion catholique pour l’épouser : « Je lui dis que je l’honorais infiniment et que, si je l’osai dire, je l’aimais de même (et je disais vrai) ; que sa considération était la plus forte que j'eusse en cette rencontre, et qu'elle me ferait passer par-dessus celle de l'état où était le roi son fils; mais que, pour la religion, c'était une chose sur laquelle l'on ne pourrait passer, et que, s'il avait quelque amitié pour moi, il devait surmonter cette difficulté et que j’en surmontais bien d’autres de mon côté ».[4]

 

 



 

1. mémoire de mademoiselle de montpensier P87 partie 1 numérotation gallica

2. Chimène personnage de la tragi-comédie dans Le Cid en qui raison et amour se combattent.

3. mémoire de mademoiselle de montpensier p 266 partie 1 chapitre 7 numérotation gallica

 

4. mémoire de mademoiselle de Montpensier (P10 partie 1 chapitre 1) numérotation gallica

5. mémoire de mademoiselle de Montpensier (P.9 partie 1 chapitre 1) numérotation gallica

6. mémoire de mademoiselle de Montpensier (P10 première partie chap 1) numérotation gallica

7. Ibid

8. Jean Garapon La culture d’une princesse

 

9.        dans La Grande Mademoiselle,  cousine frondeuse de Louis XIV

10.     Mémoires de mademoiselle de Montpensier (P233, 234 chapitre 16 partie 2) numérotation gallica

11.     Mémoires de mademoiselle de Montpensier  (P.13 première partie chapitre 1) numérotation gallica

 

12.     Ibid.

13.     Mémoires du cardinal de Retz édition Michel Pernot, P82

14.      Mémoires mademoiselle de Montpensier P138  chapitre 4 partie 1

15.      Ibid.

16.     Mémoires mademoiselle de Montpensier P220 chapitre 6 partie 1

 

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