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resistanceetamour

Ceci est le blog d'un documentaliste révolté contre les injustices de notre société.

partie 2 de la partie 3 de ma recherche

Publié le 18 Juin 2012 par resistanceetamour in histoire

Retz, particulièrement lors de la Fronde, critique Monsieur et ses tergiversations, son manque de décisions, il n’arrive pas à lui faire entendre raison1: « Nous employâmes deux ou trois jours à persuader Monsieur que le temps de dissimuler était passé. Il le connaissait et il le sentait comme nous ; mais les esprits irrésolus ne suivent presque jamais ni leur vue ni leur sentiment, tant qu’il nous alléguait était que si il se déclarait, le Roi sortirait de Paris, et qu’ainsi nous ferions la guerre civile. Nous lui répondions qu’il ne tenait qu’à lui, étant lieutenant général de l’Etat, de faire que le Roi ne sortît pas de Paris, et que la Reine ne pourrait pas refuser, dans une minorité, les assurances que l’on lui demanderait sur cela. Monsieur levait les épaules. Il remettait du matin à l’après-dînée, de l’après-dînée au soir. » Il critique sa faiblesse: « Celle qui nous faisait parler était le doute, ou plutôt la connaissance que nous avions de sa faiblesse, et c’était justement celle que nous n’osions lui témoigner. »2

 

En effet, Monsieur a dans un premier temps l’air de suivre ce conseil : « Le 3, il y en eut une autre au Parlement. Monsieur, qui ne gardait plus de mesures avec le Cardinal, et qui se résolut de le pousser personnellement et même de le chasser, me commanda de donner part à la Compagnie, en son nom, de la comparaison[1] du Parlement à la chambre basse et des particuliers à Fairfax et à Cromwell. »3.

Même les avis les plus doux demandent l’éloignement de Mazarin : « Les plus doux furent de faire très humbles remontrances pour demander à la Reine son éloignement. »4. Mais le naturel revient vite, aussi Retz critique -t-il la faiblesse de Monsieur5: « Il envoya, une heure après, faire défense aux maréchaux de France de ne reconnaître que ses ordres, comme lieutenant général de l’Etat, et au provôt des marchands de ne faire prendre les armes que sous son autorité. Vous vous étonnerez, sans doute, de ce qu’après ces pas l’on ne fit pas celui de s’assurer des portes de Paris pour empêcher la sortie du Roi. Madame, qui tremblait de peur de cette sortie, redoubla, tous les jours, tous ses efforts, et ils ne servirent qu’à faire voir qu’un homme faible de son naturel n’est jamais fort en tout. ». Monsieur ne veut pas d’ennui (P519) : « Monsieur me cria, comme je sortais de sa chambre : « Au moins, Monsieur le Coadjuteur, vous connaissez le Parlement ; je ne me veux pour rien brouiller avec lui. ».

 

 



1.        P499 mémoires de Retz, édition Michel Pernot

2.        P500 mémoires de Retz, édition Michel Pernot

3.        P505 mémoires de Retz, édition Michel Pernot

4.        Ibid

5.        Ibid

 

Retz, particulièrement lors de la Fronde, critique Monsieur et ses tergiversations, son manque de décisions, il n’arrive pas à lui faire entendre raison1: « Nous employâmes deux ou trois jours à persuader Monsieur que le temps de dissimuler était passé. Il le connaissait et il le sentait comme nous ; mais les esprits irrésolus ne suivent presque jamais ni leur vue ni leur sentiment, tant qu’il nous alléguait était que si il se déclarait, le Roi sortirait de Paris, et qu’ainsi nous ferions la guerre civile. Nous lui répondions qu’il ne tenait qu’à lui, étant lieutenant général de l’Etat, de faire que le Roi ne sortît pas de Paris, et que la Reine ne pourrait pas refuser, dans une minorité, les assurances que l’on lui demanderait sur cela. Monsieur levait les épaules. Il remettait du matin à l’après-dînée, de l’après-dînée au soir. » Il critique sa faiblesse: « Celle qui nous faisait parler était le doute, ou plutôt la connaissance que nous avions de sa faiblesse, et c’était justement celle que nous n’osions lui témoigner. »2

 

 

 

En effet, Monsieur a dans un premier temps l’air de suivre ce conseil : « Le 3, il y en eut une autre au Parlement. Monsieur, qui ne gardait plus de mesures avec le Cardinal, et qui se résolut de le pousser personnellement et même de le chasser, me commanda de donner part à la Compagnie, en son nom, de la comparaison[1] du Parlement à la chambre basse et des particuliers à Fairfax et à Cromwell. »3.

 

Même les avis les plus doux demandent l’éloignement de Mazarin : « Les plus doux furent de faire très humbles remontrances pour demander à la Reine son éloignement. »4. Mais le naturel revient vite, aussi Retz critique -t-il la faiblesse de Monsieur5: « Il envoya, une heure après, faire défense aux maréchaux de France de ne reconnaître que ses ordres, comme lieutenant général de l’Etat, et au provôt des marchands de ne faire prendre les armes que sous son autorité. Vous vous étonnerez, sans doute, de ce qu’après ces pas l’on ne fit pas celui de s’assurer des portes de Paris pour empêcher la sortie du Roi. Madame, qui tremblait de peur de cette sortie, redoubla, tous les jours, tous ses efforts, et ils ne servirent qu’à faire voir qu’un homme faible de son naturel n’est jamais fort en tout. ». Monsieur ne veut pas d’ennui (P519) : « Monsieur me cria, comme je sortais de sa chambre : « Au moins, Monsieur le Coadjuteur, vous connaissez le Parlement ; je ne me veux pour rien brouiller avec lui. ».

 

 

 



1.        P499 mémoires de Retz, édition Michel Pernot

2.        P500 mémoires de Retz, édition Michel Pernot

3.        P505 mémoires de Retz, édition Michel Pernot

4.        Ibid

5.        Ibid

 

La Grande Mademoiselle dit, elle, de Monsieur son père qu’il fait partie des mécontents, de ceux qui contestent le pouvoir de Mazarin : « Monsieur1 fut un des mécontents ; il se brouilla avec le roi, et sortit de France peu après elle. Son éloignement me toucha bien plus que celui de la reine, et j’eus en cette occasion-là une conduite qui ne répondait point à mon âge ; je ne voulais me divertir à quoi que ce fût, et l’on ne pouvait même me faire aller aux assemblées du Louvre ; »2. Aussi sont-ils punis : « Je vis ôter et rompre les tableaux de leurs armes qui étaient au rang des autres ; j’en demandai la raison : l’on me dit que l’on leur faisait cette injure parce qu’ils avaient suivi monsieur. »3.

[1]Elle décrit Monsieur comme quelqu’un qui cède facilement aux pressions : « Monsieur donna les mains à tout par deux raisons : la première, parce que le cardinal était alors tout- puissant , et qu’il ne lui pouvait résister ; et la seconde, parce que j’étais mineure, et que je me relèverais, quand je serais en âge, de ce qu’il aurait fait ; qu’ainsi la destruction de ma maison ne me pouvait pas être plus dommageable que l’échange, puisque lorsque je me serais rétablie, j’obtiendrais sans doute le dédommagement de cette ruine. »4.

Elle montre que son père et Condé faisaient partie de ceux qui voulaient l’exil de Mazarin : « Monsieur et M le Prince [Condé] avaient tout ce qu’ils désiraient : le cardinal Mazarin consentait à s’éloigner de la cour, pourvu qu’il allât pour traiter la paix. Jamais Monsieur n’y voulut consentir. Et l’on rompit là-dessus, dont M. le Prince fut fort fâché. ».

 

Les regards sur la Régence et la Fronde.

Selon le regard de mademoiselle de Montpensier, la période de la Régence semble plutôt tranquille, du moins pendant les premiers mois « les premiers mois de la Régence furent les plus beaux que l’on pût souhaiter », même si elle précise tout de suite que celui qui avait instauré ce climat monsieur de Beaufort fut le premier à subir une disgrâce ensuite, Mazarin qui, grâce à ses intrigues, est vainqueur dans la lutte de pouvoir avec monsieur de Beaufort : « aussitôt que la reine fut la maîtresse, il parut que toute la faveur ne regardait que lui [Beaufort], et le seul qui lui faisait ombrage était le cardinal Mazarin. Cela mit bientôt de la haine entre eux deux : l’intrigue du cardinal l’emporta sur l’autre ; l’on en fit une affaire d’état ; et, lorsqu’on y pensait le moins, l’on arrêta M. de Beaufort dans le cabinet de la reine : ce qui fut exécuté par le sieur de Guitaut, capitaine de ses gardes. ».



1. Jean-Baptiste-Gaston, duc d’Orléans, fils de Henri IV et de Marie de Médicis, né en 1608, mort en 1660. Il est désigné par le nom de Monsieur car il est frère du roi

2. memoires mademoiselle de Montpensier P 6  chapitre1 première partie

3. Ibid

4. memoires mademoiselle de Montpensier P22 chapitre 1 première partie

Retz qui est nommé le 12 juin 1643 coadjuteur de son oncle en vue d’obtenir la succession à l’archevêché de Paris ne parle pas de cette période de « transition tranquille ». Il critique même Richelieu, mort avant la Régence, mais qui a donné une impulsion, accélérant le processus de monopolisation du pouvoir royal: « Il me semble que je vous ai déjà dit en quelque endroit de ce discours, que les quatre premières années de la Régence furent comme emportées par ce mouvement de rapidité que M. le cardinal Richelieu avait donné à l’autorité royale. » et que le cardinal Mazarin avait « cru que ce mouvement de rapidité était le naturel, et cette méprise fut l’occasion de la guerre civile. »1. La Régence dura huit ans, elle  commence à la mort de Louis XIII et s’arrête à la majorité de Louis XIV, lorsqu’il treize ans.[1]

 

La Fronde nobiliaire dirigée contre le pouvoir durera de 1648 à 1653. Ce n’est qu’après la mort de Mazarin, le 9 mars 1661 que le roi annoncera sa volonté de gouverner seul. Le règne personnel de Louis XIV débutera en 1661.

 

Retz critique les gens de cour, les flatteurs, les « mazarins » qui nuisent au pouvoir royal, et la cour qui, en tant que groupe social, est en quelque sorte là pour endormir la royauté alors que lui prétend se soucier réellement du bien-être de la cour: « Je connus en cet endroit, encore plus que je n’avais jamais fait, qu’il est impossible que la cour conçoive ce que c’est que le public [c'est-à-dire le peuple]. La flatterie, qui est la peste, l’infecte toujours au point qu’elle lui cause un délire incurable sur cet article, et je remarquai que la Reine traitait, dans son imagination, ce que je lui en disais de chimère, avec la même hauteur que si elle n’eût jamais eu aucun sujet de faire réflexion sur des barricades. »2. Retz dit être pour le rétablissement de l’autorité royale contre les frondeurs et les mazarins, il  prétend agir pour le bien du pouvoir royal : « Ce qui me parut est qu’elle l’était [la Reine en est touchée] beaucoup elle-même par l’attachement qu’elle avait pour Monsieur le Cardinal, et que son inclination l’emportait toujours sur les velléités que je lui voyais, de temps en temps, d’entrer dans les ouvertures que je lui faisais pour rétablir l’autorité royale aux dépens et des mazarins et des frondeurs. »3.

 

 

La Grande Mademoiselle en parle aussi quand elle dit : « Si la cabale des mazarins est la plus forte, je tiendrai tant que je pourrai contre ; si, à la fin, il me faut sortir, je m’en irai à l’armée, n’y ayant point de sûreté pour moi ailleurs. »4. Elle dit aussi plus tard : « La garde du Pont fit une salve, après quoi ces cris redoublèrent, aussi bien que les gardes que j'ordonnai [être augmentées], les



1. Cardinal de Retz mémoires édition Michel Pernot P120, P121.

2. Cardinal de Retz mémoires édition Michel Pernot P581.

3. Cardinal de Retz mémoires édition Michel Pernot P581

4. mémoires mademoiselle de Montpensier P357 partie 1

 

trouvant trop faibles ainsi les mazarins connurent n’avoir plus rien à espérer »1. ou encore2 : « Pendant que j’étais chez lui, le lieutenant général, qui était fort mazarin, m’apporta un lettre qu’il avait reçue du Garde des Sceaux, parce que j’avais appris qu’il l’avait reçue ; je la brûlais et lui défendis d’y faire aucune réponse. » ce que l’on retrouve page 33 partie 2. Puis P30 partie 2 : « j’en trouvai quantité de mazarins, lesquels je menaçai, et à qui je parlai en demoiselle de ma qualité ». On peut remarquer ici, qu’en plus d’être un nom propre, le mot mazarin3, est aussi un nom commun, un qualificatif qui désigne et dénonce tous les partisans du cardinal, sa clientèle.

 

Retz fait aussi une critique de la monarchie : « Il y a plus de douze cents ans que la France a des rois ; mais ces rois n’ont pas toujours été absolus au point qu’ils le sont ». Il fait également une comparaison avec les débuts de la royauté et la royautés de Louis XIII et Louis XIV. Il oppose les monarchies étrangères : espagnole et anglaise à la monarchie française et à leur mise en place : « Il y a plus de douze cents ans que la France a des rois ; mais ces rois n’ont pas toujours été absolus au point qu’ils le sont. Leur autorité n’a jamais été réglée, comme celle des rois d’Angleterre et d’Aragon, par des lois écrites.  Elle a été seulement tempérée par des coutumes reçues et comme mises en dépôt, au commencement dans les mains des états généraux, et depuis dans celle des parlements. »4. Le mémorialiste cède, ici, place à l’historien qui suit les étapes par lesquelles est passée la construction de la monarchie absolue qu’il voit comme une cause de subversion.

 

Retz s’oppose aussi à la guerre avec l’Espagne, il semble même qu’il est contre la guerre en général car celle-ci entraîne une augmentation des impôts à laquelle il s’oppose. C’est alors qu’il défend le rôle des parlements comme modérateurs du pouvoir royal. Il fait notamment allusion à la Grande Charte, imposée en 1215 au roi Jean sans terre par les barons anglais révoltés et les fueros, privilèges dont jouissaient en Espagne les habitants du royaume d’Aragon et des provinces basques du royaume de Castille. L’expression « autorité réglée » signifie, autorité limitée par opposition à l’autorité absolue, l’autorité soumise à des règles. Or la France n’a eu depuis Henri III que des coutumes appelées lois fondamentales du royaume qui forment une constitution dont les parlements sont les gardiens, or les parlements se révoltent, c’est la fronde parlementaire.

Retz s’insurge contre les impôts et critique les surintendants[1]confrontés a de nombreuses révoltes antifiscales sous Richelieu : « Les provinces abandonnées à la rapine des surintendants, demeuraient abattues et assoupies sous la pesanteur



1. mémoires mademoiselle de Montpensier, page 2 partie 2 chapitre 1 numérotation gallica 

2. mémoires mademoiselle de Montpensier, Page 3 partie 2 chapitre 1 numérotation gallica 

3. on retrouve encore le mazarin P36, 47, 100, 118 partie 2 des mémoires de mademoiselle de Montpensier

4. mémoires du cardinal de Retz édition Michel Pernot, P121

 

de leurs maux, que les secousses qu’elles s’étaient données de temps en temps, sous le cardinal de Richelieu, n’avaient fait qu’augmenter et qu’aigrir. »1. Cela confirme ce que dit Jean Nicolas2 : la démagogie anti-réformiste autour de l’impôt qui prend pour prétexte l’intérêt général, vient du haut de la société. Or, cette contestation venue d’en haut a pour effet de légitimer les refus d’en bas.

 

Comment ces mémorialistes, des nobles, regardent-ils le peuple ?

 

Pour Retz le peuple a une existence, mais il est las des impôts, de la guerre. Cette lassitude peut le pousser à la révolution. Le peuple se méfie de ce que fait la cour. Retz est sensible à la foule, à la multitude et semble fier d’être capable de la tromper.

 

Retz, emploie le terme à plusieurs reprises notamment, dans la discussion avec monsieur de Fontenay. Ils parlent alors de la lassitude du peuple : « Je conclus  qu’il est impossible  que le cardinal ne se rétablisse pas, ou par une négociation avec Monsieur le Prince, qui entraînera Monsieur toutes les fois qu’il lui plaira de se raccommoder et de le raccommoder à la cour, ou par la lassitude des peuples, qui ne s’aperçoivent déjà que trop clairement que l’on ne sait faire, dans ce parti, ni la paix ni la guerre. »3 et il pose la question : « Si la révolution vient par la lassitude des peuples, en êtes vous mieux ? »4. Mais il ne faut pas oublier la mention de la défiance du peuple évoquée envers la Cour : « La défiance que le peuple avait de toutes les démarches de la cour fit que cette entrée ne fut â accompagnée de l’applaudissement ni même des cris accoutumés. »5. De même, on peut voir que cette défiance du peuple est justifiée et pourrait même être étendue à Retz. En effet c’est ce qu’on peut voir quand il demande de la libération de Broussel : « Il [le maréchal de La Meilleraie] fut très aise de me voir, il m’exhorta à dire la Reine la vérité. Il s’offrit d’en venir lui-même rendre témoignage. J’en fus très aise à mon tour, et nous allâmes ensemble au Palais Royal, suivi d’un nombre infini de peuple qui criait : « Broussel ! Broussel ! »6. Retz dit alors avoir une influence sur le peuple, il en est fier et le revendique : « tout le monde m’y suivit, et j’en eus besoin, car je trouvai cette fourmilière de fripiers toute en armes. Je les flattai, je les caressai, je les injuriai, je les menaçai : enfin je les persuadai.

Retz regrette quand même  avoir trompé ce peuple : « J’avais fort hasardé mon crédit dans le peuple, en lui donnant des espérances de la liberté de Broussel »7 et ce alors qu’il veut se « conserver l’amitié des peuples ». Le peuple aurait dû se méfier de lui. Il[1]est intéressant de noter que  Retz fait une différence entre foule et peuple puisque il mentionne les deux : «  je sortis en rochet et camail, et je ne fus pas au Marché-Neuf que je fus accablé d’une foule de peuple, qui



1. Mémoires de Retz édition Michel Pernot P127,128

2. Jean Nicolas La rébellion française 1661-1789

3. Mémoires de Retz édition Michel Pernot P797
4. Ibid

5. Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 138

6. Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 144

7. Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 152

 

 

hurlait plutôt qu’il ne criait. »1. On peut aussi noter qu’il utilise le mot monde : « Tout le monde cria « Vive le roi ! » mais l’écho répondait « point de Mazarin ! »2. Le mot « monde » est pour lui une façon de généraliser à tous, ce qui montre que le mot peuple n’a pas la même signification qu’aujourd’hui, quand on parle de peuple à cette époque, c’est plutôt au sens de la populace. Il nous montre ici, par exemple, que le peuple est pour le Roi mais contre Mazarin ce qui est une chose assez vraie comme le montre la mode des Mazarinades.

 

La Grande Mademoiselle, reconnaît aussi au peuple la capacité d’agir, fait de lui un acteur, elle confirme les dires de Retz en écrivant dans ces mémoires : « Le rempart [d’Orléans] était bordé de peuple, qui, en me voyant, criait sans cesse : « Vive les rois, les princes, et point de Mazarin ! » » puis: « Tout le peuple qui était sur le pont criait : Vive le Roi, les princes ! et point de Mazarin ! »3. Ce cri de ralliement est encore mentionné à plusieurs reprises par la Grande Mademoiselle aux pages 114 et 120 (partie 2). Il montre que le peuple est du côté de la Grande Mademoiselle, ce qu’elle a l’air d’apprécier : « La bonne volonté que le peuple témoigna le jour du combat fut tout extraordinaire » (P114 partie 2).

 

Dangeau mentionne aussi le peuple mais celui-ci n’est pas un acteur et il est moins présent. Il le dit chargé d’impôts « Le roi supprime tous les droits qu’avaient les loueurs de chevaux dans tout le royaume, qui étaient fort à la charge du peuple. »4. Dangeau traduit moins la révolte du peuple que la Grande Mademoiselle et Retz même si l’on voit que le peuple est difficile à contenir comme le 9 août 1960 : «  A Paris, on a fait des feux de joie sur la nouvelle de la mort du Prince d’Orange [qui n’est en fait pas mort], que le roi n’a pas approuvé ; mais les magistrats n’ont pas pu contenir le peuple. »5.

 

Retz a un regard politique critique. Le 24 août 1648, Retz demande à la Reine et Mazarin, tout comme le maréchal de La Meilleraie, de libérer Broussel, en effet citons le maréchal : « Madame, un homme de bien ne vous peut flatter en l’extrémité où sont les choses. Si vous ne mettez aujourd’hui Broussel en liberté, il n’y aura pas demain pierre sur pierre à Paris. »6. Mais, on l’a vu, la Reine ne les écoute pas et se moque même de Retz. De plus, il se dit plus flexible que Mazarin : « tout se disait et tout se faisait dans l’esprit des, procès et comme il avait l’air de la chicane, il en avait de la pédanterie dont le propre essentiel est l’opiniâtreté, directement opposée à la flexibilité, qui de toutes les qualités est la plus nécessaire pour le maniement des affaires. »7. Il se décrit également comme quelqu’un de plus souple que Mazarin : « tout se disait et tout se faisait dans l’esprit des procès »8.[1]

 



1.        Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 143

2.        Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 158

3.        Mémoires de mademoiselle de Montpentsier p2 chapitre 1 seconde partie

4.        P 183 Journal de Dangeau tome 3éme google books

5.        Ibid.

6.        Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 151

7.        Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 163, 164

8.        Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 163

 

 

Contrairement à Mazarin, il est populaire comme le montre la citation suivante : « Vive le coadjuteur »1, ce qui pourrait nous faire penser que ses conseils auraient été plus efficaces que ceux de Mazarin. Il nie en revanche avoir voulu prendre le pouvoir en prenant la place de Mazarin : « Non, Madame lui dis-je, personne n’a cessé de prétendre parce qu’il n’y a personne qui ne sache que Monsieur le Cardinal gouverne plus que jamais », il dit juste demander le cardinalat. Mais s’il a toujours nié avoir eu l’ambition de remplacer Mazarin, la conquête du cardinalat peut être interprétée comme la dernière étape avant de tenter de conquérir le ministériat. Une chose est sûre, en 1651 après s’être disputé avec Condé il a pu se croire sur le point d’entrer au Conseil. Le 17 août 1651, Retz fait une déclaration dont il donne le résumé dans ses mémoires, il s’agit d’un réquisitoire dressé contre Condé. Cette déclaration a aussi été publiée par madame de Motteville. Ce discours vise à briser la montée en puissance et les ambitions excessives de Condé et s’appuie sur une alliance entre la cour et la vieille Fronde : « Voici le précis de ce qu’il contenait : le reproche de toutes les grâces que la maison de Condé avait reçues de la cour ; la plainte de la manière dont Monsieur le Prince s’était conduit depuis sa liberté ; la spécification de cette manière, les cabales dans les provinces, le renfort des garnisons qui étaient dans ses places ; la retraite de  Madame le Princesse et de Mme de Longueville à Mouron ; les Espagnols dans Stenai ; ses intelligences avec l’archiduc ; la séparation de ses troupes de celles du Roi. Le commencement de cet écrit était orné d’une protestation solennelle de ne jamais rappeler le cardinal Mazarin ; et la fin d’une exhortation aux compagnies souveraines et à l’Hôtel de Ville de Paris à se maintenir dans la fidélité. »2.[1]

 

Au-delà de ce qu’écrit Dangeau dans son journal, peut-on déceler une critique politique ? Lundi 22 mai 1684 Monsieur Voisin est taxé par le Roi : « le régiment colonel que le roi trouva mauvais au camp fut taxé à 50,000 francs, 35,000 pour M Voisin, et 15,000 pour M le comte d’Auvergne. Le pauvre M. Voisin avait acheté ce régiment-là 30,000 écus de M le comte d’Auvergne. »3. L’adjectif « pauvre » est un modalisateur fort, a-t-il de la sympathie pour lui ou est ce ironique ? Une chose est sûre Voisin continue à bénéficier d’avantages du Roi comme on peut le voir le 18 janvier 1683 : « Outre la place que M. de Breteuil laisse dans le conseil, il en avait une autre au conseil royal de l’Arsenal, qui lui valait 500 écus, et il avait encore un bureau chez lui, qu’on donnera apparemment à M. Voisin. »4.

On peut aussi interpréter une critique au travers des répétitions « donna des pouvoirs », « donna 100 000 à Monsieur pour son équipage d’armée », est-ce



1.        Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 159

2.        Mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 630

3.        P16 journal de Dangeau tome 1

4.        P110 journal de Dangeau tome 1

 

une critique sur la prodigalité du roi ? A partir de la multiplication de ces répétitions, on pourrait croire qu’il critique cette prodigalité. La facilité de Louis XIV à donner des évêchés, des abbayes, des terres de l’argent, de l’or semble soulignée. Les dons du roi en pouvoir, or, argent, abbayes, pouvoir, terre, financement, religion sont très fréquents. Le lundi 22 mai 1684 il indique que « Le roi donna l’abbaye de Soissons à Mme de la Rochefoucauld, tante du duc de ce nom ».

 

On peut en revanche imaginer de l’admiration dans les descriptions des nombreuses activités du roi « il fit », « il fit », « alla à la chasse ». Le roi paraît infatigable.

 

Lorsque cet homme de pouvoir « absolu » qu’est louis XIV, il est malade, souffrant,  Dangeau sympathise et souffre avec le roi  dont il est proche. Il décrit une agonie, lutte contre la mort, qui dure du 12 août 1715 au 1er septembre : « Lundi 12, à Versailles. – Le roi prit médecine ; il a des douleurs de sciatique à une jambe et à la cuisse, qui le tourmentent assez. »1, « Mardi 13, à Versailles.- Le roi se fit porter à la messe dans un fauteuil, parce que ses douleurs de sciatique sont un peu augmentées ; »2 « Jeudi 15, à Versailles.- Le roi dormit assez mal jusqu’à trois heures et but plusieurs fois, car il est toujours fort altéré ; il dormit assez bien depuis trois heures jusqu’à dix. »3

 

Malgré tout, selon Dangeau le roi, reste digne, a l’air de prendre tout ceci avec philosophie :

 

« Dimanche 25, jour de la Saint-Louis, à Versailles.- Le roi ne passa pas bien le nuit ; sa douleur augmente. Le danger commence à être grand ; cependant, il voulut que rien de ce qui a accoutumé de se faire dans cette journée ne fût changé. »4 puis « Mercredi 28, à Versailles. Pourquoi pleurez –vous ? Est-ce que vous m’avez cru immortel ? Pour moi, je n’ai point cru l’être, et vous avez dû, dans l’âge où je suis, vous préparer à me perdre. ».

 

On apprend notamment que le roi a la gangrène : « A dix heures du soir on a pansé la jambe de S. M. et l’on a trouvé non seulement que la gangrène n’a fait aucun progrès depuis ce matin, mais qu’en tout la jambe est mieux ; »5.

 

Puis le roi meurt le 1er septembre : « Dimanche, 1er  septembre 1715.- Le roi est mort ce matin, à huit heures un quart et demi, et il a rendu l’âme sans aucun effort, comme une chandelle qui s’éteint. La nuit s’était passée sans aucune connaissance. Aussitôt qu’il a expiré, le duc d’Orléans est allé avec tous les princes du sang saluer le jeune roi, et dès que cet enfant a entendu le traiter de Sire et de Majesté, il a fondu en larmes et en sanglots, sans qu’on lui eût dit que le roi fût mort. ». C’est l’application de la maxime : « Le roi est mort vive le roi », preuve de la continuité de la monarchie absolue.

 

1. p 11 journal de Dangeau tome 16

 

2.  Ibid

 

3. p 95 journal de Dangeau tome 16.

 

4. p 110 journal de Dangeau tome 16.

 

5. p 114 journal de Dangeau tome 16.

 

6. p 137 journal de Dangeau tome 16.

 

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