III – Regards de mémorialistes sur les pouvoirs politiques.
Expliquons maintenant la notion de regard. Il s’agit d’étudier le regard des trois mémorialistes sur la mise en place et l’exercice du pouvoir absolu et sur les autres pouvoirs. On a aussi un regard sur des personnalités et leurs pouvoirs, et par là, un jugement de ces personnalités. Un regard peut être neutre, critique, positif ou négatif, favorable ou défavorable, lucide appréciatif ou dépréciatif ou constructif, partial ou impartial, approbateur ou désapprobateur, de sympathie ou d’antipathie ou encore, on l’a vu rétrospectif. (Il s’agit de mémoires. On se sert
de la mémoire pour regarder en arrière, pour garder pour soi et pour les autres par l’écriture.)
Le mémorialiste s’attribue un droit de regard, un droit de « surveillance ». Il y a en effet dans le verbe regarder le verbe garder qui vient du germanique wardon, qui signifie : surveiller pour protéger, prendre soin pour empêcher de nuire, pour conserver, se garder de prendre garde à…). On le remarque notamment quand Retz des pages 805 à 810 où il harangue le roi le 9 septembre 1652, quand il proteste contre Mazarin et Louis XIV. Il se sert alors de son titre de coadjuteur pour justifier son droit de protestation. Il s’oppose, c’est un devoir, son devoir lui donne le pouvoir, lui donne la possibilité de parler au nom de l’Eglise : « Sire, tous ceux qui sont soumis à Votre Majesté lui peuvent représenter leurs besoins ; mais il n’y a que l’Eglise qui ait droit de vous parler de vos devoirs ; nous le devons, Sire par toutes les obligations que notre caractère nous impose, mais nous le devons, Sire, par toutes les obligations que notre caractère [condition] nous impose, mais nous le devons particulièrement quand il s’agit de la conservation des peuples, parce que la même puissance qui nous a établis médiateurs entre Dieu et les hommes, fait que nous sommes naturellement leurs intercesseurs envers les rois, qui sont les images vivantes de la Divinité sur la terre ». Il se sert de son tire de coadjuteur : adjoint à un évêque, pour défendre le peuple. Il porte la parole au nom du clergé parisien. Or le clergé est le premier ordre du royaume. Ainsi il a des droits, des devoirs voire des obligations morales qui lui permettent de remettre en cause devant le Roi sa politique. Or le roi lui oppose une fin de non recevoir puisqu’il lui répond que la cour n’a nullement l’intention d’abolir les formalités qu’il voulait voir supprimer. Mais lesquelles ? On peut cependant remarquer que ce qui concerne la réponse du roi ne prend que deux lignes dans les Mémoires de Retz (ce qui diminue fortement sa portée) : « La réponse du roi fut honnête, mais générale, et j’eus même beaucoup de peine à la tirer par écrit. ». On peut se demander si cette dernière phrase révèle en quelque sorte la déception de Retz quand il reçoit une réponse négative du roi qui prend le parti de Mazarin. Cette formulation révèle apparemment la déception de Retz, suite à la réforme négative du Roi qui prend le parti de Monsieur.
La notion d’Etat suppose premièrement la permanence du pouvoir, pouvoir établi, en effet l’Etat n’apparaît que lorsque le pouvoir s’institutionnalise c'est-à-dire lorsqu’il cesse d’être incorporé dans la personne d’un chef : c’est cette permanence du pouvoir qu’exprime la formule « le Roi est mort, vive le Roi ». Mais qu’est- ce que l’Etat monarchique ?
Quelles sont les définitions de la monarchie selon Aristote et Montesquieu ?
Aristote : « nous appelons monarchie l’Etat où le commandement dirigé dans l’intérêt commun n’appartient qu’à un seul ». (Politique d’Aristote).
Montesquieu (1689-1755) : le gouvernement monarchique est celui où un seul gouverne mais par des lois fixes et établies, alors que, dans le despotique, un seul, sans loi et sans règle entraîne tout par sa volonté et ses caprices. »
Dans quelle mesure Louis XIV est-il un monarque, un despote ? Quel est l’intérêt des guerres de Louis XIV ?
Y a-t-il intérêt commun lorsque Louis XIV fait la guerre ? Retz dénonce la guerre de Succession d’Espagne, il voudrait maintenir la paix.
Le despotique est –il « légitime » ? En tout cas il peut être contesté ? A ce propos, Machiavel cite 3 sortes de gouvernement possibles. Le despotique qui est difficile à conquérir et facile à maintenir. L’aristocratique où le prince est assisté par les Grands, qui est facile à acquérir, mais difficile à maintenir. Enfin la troisième forme est le modèle républicain qui est très difficile à maintenir pour un Prince nouveau. Selon Montesquieu, Diderot et Rousseau, Machiavel voulait dénoncer le despotisme et la tyrannie informant des droits et des devoirs du prince. Cela l’oppose- t-’il aux critiques de Retz sur Machiavel ?
Or l’exercice du pouvoir de Louis XIV est à la limite du despotique. Ce n’est pas la personne du Roi qui est contestée, mais le pouvoir d’un seul qui s’impose aux autres, quels qu’ils soient, et la façon dont est exercé ce pouvoir. Le conteste : la noblesse et parfois la famille royale qui voient leurs pouvoirs diminuer. Ce n’est pas la personne du Roi qui est contestée, c’est la façon dont il exerce le pouvoir.
Ce sont trois regards différents. Quelles sortes de regards ? Critiques ou non? La critique est- elle positive ou négative ? Comment perçoivent-ils le pouvoir en place, la monarchie absolue ?
Quel est leur rapport à ce pouvoir ? Y adhèrent-ils ? Le contestent-ils ?
Rappelons qu’il y a dans le choix de ces trois mémorialistes une double complémentarité, temporelle et sociale.
Quels sont les regards des autres sur les mémorialistes et comment les perçoivent-ils?[1]
Retz se dit être vu par Richelieu, qui le considère d’après ce qu’il nous dit comme « un dangereux esprit ». Mazarin ne croit pas à ses bonnes intentions et se moque souvent de lui. C’est ce que l’on peut voir dans les citations suivantes : « je ne pouvais ignorer que je ne fusse très mal dans l’esprit du Cardinal. »1. On voit aussi que le Cardinal se moque de Retz : « Plût à Dieu, Madame, que tout le monde parlât avec la même sincérité que parle Monsieur le Coadjuteur ! Il craint pour son troupeau ; il craint pour la ville ; il craint pour l’autorité de Votre Majesté. Je suis persuadé que le péril n’est pas au point qu’il se l’imagine ; mais le scrupule sur cette matière est en lui une religion louable. »2. On peut noter aussi qu’il est tourné en ridicule par la cour : « J’étais sur le point de m’endormir tranquillement dans ces pensées, lorsque Laigue arriva, qui venait du souper de la Reine, et qui me dit que l’on m’y avait traité d’homme qui n’avait rien oublié pour soulever le peuple sous prétexte de l’apaiser, que l’on avait chifflé dans les rues, qui avait fait semblant d’être blessé quoiqu’il ne le fût point, enfin qui avait été exposé deux heures entières à la raillerie fine de Baudru, à la bouffonnerie de Nogent, à l’enjouement de La Rivière, à la fausse compassion du Cardinal et aux éclats de rire de la Reine. ». [2]
1. mémoires de retz, P140
2. mémoires de retz, P145
Retz ne critique pas la Grande Mademoiselle. C’est ce qu’on peut voir dans le contexte de la prise d’Orléans par la Grande Mademoiselle. Rappelons d’abord que Retz propose à Monsieur de créer un tiers parti opposé à la fois à Condé rebelle et à Mazarin qui est sur le retour de son exil qui a eu lieu le 7 février 1651. Gaston D’Orléans refuse : il « n’a pas voulu entendre à ce parti, parce qu’il le croit d’une suite trop dangereuse pour l’Etat. »1. Ils prennent pourtant finalement le parti de Condé qui aura un succès temporaire puisque le 19 août 1652 Mazarin repart pour l’exil afin d’apaiser les esprits. Mais avant cela nous avons la description d’une partie du combat du faubourg Saint-Antoine ou Mademoiselle de Montpensier joue un grand rôle en sauvant les soldats de Condé en leur faisant ouvrir la porte de Saint-Antoine. Retz est admiratif il la décrit comme une personne qui n’a pas la confiance de son père : « Mademoiselle s’offrit d’y aller : ce que Monsieur ne lui accorda qu’avec beaucoup de peine, par la raison de la bienséance, mais encore plus par celle du peu de confiance qu’il avait en sa conduite. »2. D’après ce que nous montre Retz, Monsieur et Patru ont bien tort lorsqu’ils qualifient l’entreprise de ridicule : Monsieur dit « cette chevalerie serait bien ridicule si le bon sens de Mmes de Fiesque et de Frontenac ne la soutenait »3, Patru disait « comme les murailles de Jéricho étaient tombées au son des trompettes, celle D’Orléans s’ouvriraient au son des violons »4. Pourtant d’après Retz qui prend à défaut ces critiques : « tout ce ridicule réussit par la vigueur de Mademoiselle, qui fut effectivement très grande »5. Retz reconnaît des qualités « viriles » (du latin vir qui signifie l’homme courageux capable de vertu) à la Grande Mademoiselle.
2. mémoires de Retz, P714
3. mémoires de Retz, P729
4. Ibid
5. Ibid
Alors que d’autres critiquent La Grande Mademoiselle voire Mmes de Fiesque et de Frontenac, ne les prennent pas au sérieux parce que ce sont des femmes, lui constate l’efficacité de l’action de la jeune femme. Il la décrit comme quelqu’un de calme pouvant supporter une querelle qui ne la concerne pas, ou du moins capable de se contenir, de maîtrise de soi. Il écrit « M. de Nemours, qui avait naturellement et aversion et mépris pour M. de Beaufort, quoique son beau-frère, se plaignît de sa conduite à Mademoiselle, comme si elle avait été cause
de ce que le dessein sur Gergeau n’eût pas réussi. »1 et précise par la suite que « Mademoiselle accommoda, au moins en apparence, cette querelle »2. Il la décrit comme une personne diplomate qui a de l’influence, de l’autorité, que l’on écoute : « L’autre avis [celui d’aller à Montargis, poste important dans la conjoncture parce que de là l’armée des princes serait entre Paris et le Roi et pourrait ainsi être de tous les côtés] l’emporta dans le conseil de guerre, et par le nombre et par l’autorité de Mademoiselle ». On a même l’impression qu’il a de l’admiration pour elle. Il décrit quelqu’un qui agit avec le soutien du peuple :
« car quoique le roi fût très proche avec des troupes, et que M. Molé, garde des Sceaux et premier président, fût à la porte, qui demandait à entrer de sa part, elle passa l’eau dans un petit bateau, elle obligea les bateliers, qui sont toujours en nombre sur le port, de démurer une petite poterne qui était demeurée fermée depuis fort longtemps, et elle marcha, avec le concours et l’acclamation du peuple, droit à l’Hôtel de Ville, où les magistrats étaient assemblés pour délibérer si l’on recevait Monsieur le Garde des Sceaux. Vous pouvez croire qu’elle décida» (P729). Il lui reconnaît un esprit de décision que n’a pas Monsieur son père. [1]
Que dit Dangeau ? J’ai l’impression qu’il ne la prend pas vraiment au sérieux, on peut voir cela quand il se moque d’elle en prenant notamment le parti de Lauzun le jeudi 4 mai 1684 alors que le roi est en déplacement avec la cour, Dangeau raconte qu’ils sont arrivés à Valenciennes, qu’il a porté une garde et donné la charge lors de la guerre contre le Luxembourg « On apprit de Paris que Mademoiselle avait défendu à Monsieur de Lauzun de se présenter devant elle, qu’il n’avait répondu à cet ordre que par une révérence et s’en était allé à Luxembourg ».
Etudier Retz donne la possibilité de travailler sur la critique du pouvoir durant la période de Louis XIII, pendant la Régence. Il était dommage de se priver des critiques de Retz sur les ministres Richelieu et Mazarin. La Grande Mademoiselle, une femme, offre l’occasion d’avoir un autre regard sur la fin du règne de Louis XIII, sur la Régence et sur le règne de Louis XIV. Dangeau, lui, un courtisan proche du roi, nous informe de tout ce qui se passe à la cour de 1684 à 1715 et nous permet d’étudier la fin du règne de Louis XIV.
Ces trois mémorialistes sont des personnages représentatifs de la même classe : la noblesse, bien que d’extractions différentes. Mais ce sont aussi des individus, des personnalités différentes. La Grande Mademoiselle, fait partie de la famille royale, Retz de la noblesse de robe ecclésiastique et Dangeau de la noblesse de cour. Ce sont trois noblesses différentes.
Mais comment regardent-ils les pouvoirs en place ?
Précisons d’abord que Retz, La Grande Mademoiselle et Dangeau sont, dans un premier temps, acteurs et spectateurs de leur propre action, et spectateurs de celles des autres. Puis, dans un second temps, mis en marge du pouvoir, ils deviennent, par les Mémoires, spectateurs de leur passé. Mais alors, agissant par l’écriture, ils deviennent de nouveau acteurs et, revivant leur vie, ils se réapproprient la réalité passée.
Rétrospectivement, ils posent tous les trois leurs regards sur les différents pouvoirs politiques : législatif, exécutif, judiciaire, militaire, économique administratif, religieux, détenu par le monarque- du grec monos : un seul, et arkheim, commander. Ils vivent sous la monarchie absolue de droit divin, régime qui concentre tous les pouvoirs en un seul.
Se posent alors plusieurs questions, que se pose le mémorialiste, au vu du gouvernement, de la façon de gouverner de certains rois.
Le seul fait de détenir le pouvoir permet-il de l’exercer réellement ? Celui qui détient le pouvoir a-t-il les facultés physiques, intellectuelles, morales de l’exercer pleinement ? Quelle doit être sa conduite, s’il a le pouvoir réel et quels sont les critères qu’il doit respecter ? D’où vient l’autorité et l’autorité naturelle (physique, charisme…) suffit-elle ? Quelles sont les qualités d’un bon roi et à quoi les reconnaît-on ? L’autorité reconnue au Roi (Louis XIII, Louis XIV) dépend elle de ses qualités où de sa situation? Comment caractériser sa puissance et dans quelle mesure est-elle une puissance de fait légitimée par l’héritage ou une puissance de droit, et dans ce cas, de quel droit ? L’abus de pouvoir est-il contestable, a-t-il des limites légales ou morales ? En quoi peut-on le contester, qu’il s’agisse d’un roi ou d’un ministre (Richelieu/Mazarin/Louis XIV), et qui est autorisé à le faire ?
Mais quand le roi totalise l’Etat, ensemble des institutions, et le pouvoir de l’Etat, tous les pouvoirs, quand son autorité est « constituée, établie, qui peut contester, s’opposer, conspirer ? Tout au plus peut-on « regarder », poser un regard et écrire? Ce que font les (nos) mémorialistes.
Les mémorialistes, à la fois acteurs et spectateurs, posent un regard sur les différents pouvoirs, sur eux-mêmes, leur propre pouvoir, les moments où ils vivent les événements. Ils regardent, sont regardés et se savent parfois regardés. Ils jouent sur la scène de l’histoire. Ainsi, comme nous allons le montrer, ils jouent un jeu de rôle et en sont conscients. Ce sont des acteurs de théâtre et ils le savent, ne sont pas dupes.
C’est notamment le cas de Retz qui écrit suite à la condamnation du cardinal Mazarin par une déclaration du roi: « Il y eut, ce jour-là, un intermède qui vous fera connaître que ce n’était pas sans raison que j’avais prévu la difficulté du personnage que j’aurais à jouer dans la conduite que nous prenions. »1. Il nous dit ici qu’il joue un personnage, de même quand il discute avec la Reine après la victoire de Lens, et la prie de libérer Broussel: « la vérité est que tout ce qui était dans ce cabinet jouait la comédie »2, c'est-à-dire lui et les autres présents dans le cabinet. Ils agissent selon de faux semblants, en jouant la comédie, pour tromper leur adversaire. Ainsi on peut remarquer que ce que critiquait La Bruyère chez Dangeau, d’être un Pamphile, est en fait plutôt commun à tous. Ils sont tous en représentation. Ils se savent regardés.
C’est une scène de théâtre que joue aussi La Grande Mademoiselle lors de son entrevue avec le roi où il est question de son mariage avec Lauzun. Les deux personnages, conscients de leur jeu, jouent un rôle et le lecteur assiste à cette représentation où l’apothéose est la scène d’embrassade. Et tout est décuplé par le fait qu’ils sont observés par un spectateur et que tous les deux le savent : « j’entendis tousser à la porte de la reine. Je lui dis : « à qui me sacrifiez-vous là, Sire ? Serait-ce à M. le Prince [de condé] ? » » C’est une mise en abîme, le théâtre dans le théâtre.
Après avoir joué leur rôle, quelque temps après, longtemps après ils décident d’écrire. Ils agissent alors par l’écriture, sorte de revanche sur la monopolisation des pouvoirs. Apparaissent alors deux types de regards : regard rétrospectif pour la Grande Mademoiselle et Retz. Ils regardent leur vie passée, se retournent sur ce qui s’est passé l’histoire, leur histoire dans l’histoire. Ils parlent au passé, surtout de leur gloire passée.[1]
En revanche le regard de Dangeau, est semblable à celui d’un journaliste, un « huissier » dit irrévérencieusementVoltaire, « un valet de chambre » qui pose un regard au jour le jour sur l’actualité qu’il vit, à laquelle il assiste, ce regard peut aussi être rétrospectif. Il utilise lui aussi, le plus souvent, le passé simple, temps du langage soutenu, le passé composé et quelquefois le présent.
Sur quoi se pose leur regard ?
Nous allons ici parler de leurs regards sur le pouvoir, sur leur propre pouvoir, sur le rapport entre roi et noblesse et donc entre le roi et le mémorialiste puisque ce dernier est un noble.
Regardons leur regard sur la monarchie absolue.
Un seul commande : Louis XIV est un monarque- monarchie : commandement d’un seul (du grec mono : seul, et arkhein commander). Un monarque absolu de droit divin. Il a été sacré le 7 juin 1654. Il a tout pouvoir et ce pouvoir ne peut- être contesté, limité par qui que ce soit.
1. mémoires de Retz édition Michel Pernot, page 683
2. mémoires de Retz
Il est sans réserve, total, complet, il tient de lui-même sa propre justification. Il est le principe fondateur, par lui-même, il détient son pouvoir absolu de Dieu et, comme lui, il échappe à toute autorité, à toute contrainte. Il est suprême, au -dessus des lois, de droit divin. Le roi, comme le montre Dangeau dans son compte rendu du quotidien des actions du souverain, est le représentant de Dieu sur terre. Il nomme les évêques et les archevêques. Ce qui lui donne en plus de son pouvoir physique, un pouvoir spirituel. Il a même le droit de commander « aux esprits de ses sujets » (cf les lettres persanes de Montesquieu). On assiste ainsi à une sacralisation de l’Etat réel. S’agit-il alors d’un Roi-Etat où d’un Etat-Roi ?
La décennie 1680 représente un tournant significatif car le Roi devient alors Louis le Grand. L’appellation lui a été donnée la première fois en 1671 par la ville de Paris, puis ce sont les Jésuites du collège de Clermont qui la reprirent en 1683 pour leur établissement.
Le mémorialiste est « un noble », il a vécu des événements. Il a été un acteur, puisqu’il a agi, mais c’est aussi un spectateur, et il regarde, quelquefois, sans pouvoir agir physiquement. Mais il pense, réfléchit, mémorise, et agit donc intellectuellement. Puis faute de pouvoir agir manifestement, en écrivant, il met en œuvre son intelligence, il fait un choix dans ses souvenirs avant de les retranscrire.
Retz conteste plus Richelieu et Mazarin que le Roi. La critique des ministres est plus autorisée, la parole est plus libre alors que seule l’Eglise peut critiquer le roi, elle en a même le droit et le devoir. En tant que coadjuteur, il représente l’Eglise et peut prendre la parole au nom de l’église. En plus de critiquer les ministres, Retz critique aussi leur inspirateur Machiavel : « un des plus grands malheurs que l’autorité despotique de ministres du dernier siècle ait produit dans l’Etat, est la pratique que l’imagination de leur intérêt particulier mal entendu y a introduite, de soutenir toujours le supérieur contre l’inférieur. Cette maxime est de Machiavel que la plupart des gens qui le lisent n’entendent pas, et que les autres croient avoir été toujours habile parce qu’il a toujours été méchant. »1. d’autres vont plus lois dans la critique comme monsieur de Fontenai (François Du Val Marquis de Fontenay-Mareuil, deux fois ambassadeur à Rome), qui dit de Mazarin qu’il « n’est qu’une manière de godenot », reproche à Retz de ne pas s’être impliqué dans le combat contre le ministre: « Beaucoup de ceux mêmes qui lui paraissent le plus contraires seraient bien fâchés qu’il pérît ; beaucoup d’autres seront très consolé qu’il se sauve ; personne ne travaille véritablement et entièrement à sa ruine ; et vous-même Monsieur (il parlait à moi), vous-même vous n’y donnez que mollement, parce qu’il y a une infinité d’occasions dans lesquelles l’état où vous êtes avec Monsieur le Prince ne vous permet pas de vous étendre contre la cour aussi librement et aussi pleinement que vous le feriez sans cette considération. Je conclus qu’il est impossible que le cardinal ne se rétablisse pas, ou par une négociation avec Monsieur le Prince, qui entraînera Monsieur toutes les fois qu’il lui plaira de se raccommoder et de le raccommoder à la cour, ou par la lassitude des peuples, qui ne s’aperçoivent déjà que trop clairement que l’on ne sait faire, dans ce parti, ni la paix ni la guerre. »1. Il critique ainsi les adversaires de Mazarin qui soit par intérêt, soit par nécessité ne vont pas au bout de leurs engagements et occasions et finalement [1] s’accommodent du retour de Mazarin. En fait ils n’ont pas l’ambition suffisante pour renverser définitivement Mazarin. De plus il ne faut pas compter sur le peuple qui est las et veut l’ordre et donc Mazarin s’il l’apporte, aussi le retour de Mazarin est plus que possible et ce alors que « Dans tous ces deux cas, que je tiens pour infaillibles, vous perdez beaucoup ; car, si vous ne vous tirez d’embarras devant que le mouvement finisse par un accommodement de la cour avec Monsieur le Prince, vous aurez peine à vous démêler d’une intrigue dans laquelle et la cour et Monsieur le Prince songeront assurément à vous faire périr. »2. En montrant cette épée de Damoclès suspendue au dessus de Retz, il essaye ainsi de le pousser à aller plus loin dans ces actes contre Mazarin. On peut aussi noter qu’il est assez intéressant que Retz nous indique le positionnement anti-Mazarin de Fontenay, alors que celui-ci est très critique envers lui, même s’il n’est pas le seul visé ce qui montre la sincérité de Retz qui n’hésite pas à nous faire part de cette opinion qui met Mazarin et ses adversaires sur le même plan.
C’est donc bien la façon absolue d’exercer le pouvoir, c'est-à-dire sans tenir compte des autres pouvoirs, instances (parlement), clergé, noblesse, qui est contestée et non pas la personne du Roi. Il aime faire des portraits, nous brosse un portrait intéressant de Richelieu, en soulignant ses oppositions. Ce portrait est plus nuancé que celui de Mazarin dont les défauts surpassent les qualités : « Le cardinal avait de la naissance »3, était noble, « Il n’était pas libéral ; mais il donnait plus qu’il ne promettait, et il assaisonnait admirablement les bienfaits. »4. Il souligne ainsi les défauts, il décrit un homme plein de contrastes, aux différentes facettes. Il connaît l’art du portrait comme Jean de la Bruyère qui dans « les caractères ou les mœurs de ce siècle met en scène des personnages comme Arrias, l’homme qui prétend tout savoir, Pamphile, un grand « qui a une fausse grandeur », « plein de lui-même » « il est d’après un grand » « vrai
personnage de comédie. Ce Pamphile est d’ailleurs la caricature de Dangeau. La Bruyère comme Saint Simon n’aiment pas le marquis et dénonçaient son côté parvenu, sa bassesse de courtisan.
La Grande Mademoiselle, elle, n’apprécie pas Richelieu qui s’oppose avec toute son énergie contre le fait qu’elle nomme Louis XIV son petit mari, elle a un regard de petite fille mécontente que Richelieu la gronde: « la naissance de monseigneur le Dauphin me donna une occupation nouvelle : je l’allais voir tous les jours et je l’appelais mon petit mari ; le roi s’en divertissait et trouvait bon tout ce que je faisais. Le cardinal de Richelieu, qui ne voulait pas que je m’y accoutumasse ni qu’on s’accoutumât à moi, me fit ordonner de retourner à Paris. La reine et madame de Hautefort firent tout leur possible pour me faire demeurer ; elles ne purent l’obtenir, dont j’eus beaucoup de regret. »1. « Il avait tellement sur le cœur que j’eusse appelé le Dauphin mon petit mari, qu’il m’en fit une grande réprimande : il disait que j’étais trop grande pour oser de ces termes ; qu’il y avait de la messéance à moi à parler de la sorte. »2. La Reine n’est d’ailleurs pas très contente quant elle apprend la manière dont Richelieu, qu’elle n’aime pas, s’y est pris : «Lorsque la reine sut le discours que le cardinal [Richelieu] m’avait tenu, elle témoigna en être fâchée, et me dit avec bonté : « il est vrai que mon fils est trop petit ; tu épouseras mon frère3 »4.
[1]La critique des ministres du Roi concerne le fait qu’ils prennent tant de pouvoirs que le roi est dans l’ombre durant une période qui va du règne de Louis XIII au début du règne de Louis XIV. En ce qui concerne Mazarin et Richelieu, Retz critique plus la façon de gouverner que les hommes. Il dénonce la rapidité des décisions, le manque de prudence, les erreurs politiques du ministre.
Retz pense que Mazarin qui a vécu longtemps en Italie, où l’autorité du Pape n’a point de bornes à Rome, veut donner au roi la même autorité. De plus, Mazarin a cru que la rapidité dans les décisions qu’a instaurée Richelieu « était le naturel ». Il critique l’hypocrisie du cardinal Mazarin. Lucide, voire plus juste Retz, critique l’imprudence et l’imprévoyance du cardinal Mazarin mais ne l’accuse pas de faiblesse : «Jugez de l’abattement du cabinet ; mais vous n’en jugerez pas assurément comme le vulgaire qui crut que la faiblesse du cardinal Mazarin, en cette occasion donna le dernier coup à l’affaiblissement de l’autorité royale. Il ne pouvait faire en ce rencontre que ce qu’il fit ; mais il est juste de rejeter sur son imprudence ce que nous n’attribuons pas à sa faiblesse ; et il est inexcusable
1. mémoires de mademoiselle de Montpensier P 42, première partie chapitre 2 numérotation gallica
2. Ibid
3. Ferdinand, cardinal-infant, fils de Philippe III, cardinal-archevêque de Tolède qui meurt en 1641.
4. mémoires de mademoiselle de Montpensier P 42, première partie chapitre 2 numérotation gallica
de n’avoir pas prévenu les conjonctures dans lesquelles l’on ne peut plus faire que des fautes. »1.[1]
Il dit même que le Cardinal aurait dû rester sur sa position : « Si le cardinal Mazarin eut tenu ferme dans l’occasion dont je vous viens de parler, il se serait sûrement attiré des barricades et la réputation d’un téméraire et d’un forcené. Il a cédé au torrent : j’ai vu peu de gens qui ne l’aient accusé de faiblesse. ».
Sous la Régence et surtout pendant les quatre premières années, Retz critique surtout « le mouvement de rapidité que M. le cardinal de Richelieu avait donné à l’autorité royale » et le fait que son disciple Mazarin « avait cru que ce mouvement de rapidité était le naturel et cette méprise fut l’occasion de la guerre civile »2.
Notons que la fin officielle de la Régence se situe le 7 septembre 1651, lorsque Louis XIV a 13 ans mais celui-ci ne prend le pouvoir réellement qu’en 1661, à la mort de Mazarin, à l’âge de 23 ans comme on peut le voir dans l’œuvre de Dessert3
L’action politique de Mazarin, disciple de Richelieu, entraîne la Fronde parlementaire, la guerre civile. C’est le Parlement qui réagit d’abord contre le pouvoir. Le 21 février 1641, sous le règne de Louis XIII, Richelieu avait réduit le pouvoir du Parlement. Puis sous la Régence, alors qu’Anne d’Autriche était chef du conseil, le parlement avait retrouvé son autorité. Puis l’Edit du Fossé en 1641, reconduit en 1645 avait produit l’agitation du Parlement. Puis il y eut l’Edit du tarif en 1646, encore une mesure impopulaire. Tout cela aboutit aux journées des barricades des 26, 27, 28 août 1648. Mazarin et la Reine sont contre le Parlement et contre Broussel ce qui nous amène aux regards de Retz sur le parlement.
Il analyse l’évolution du pouvoir du Parlement de Louis XIII à Louis XIV. « Le cardinal de Richelieu avait affecté d’abaisser les corps, mais il n’avait pas oublié de ménager les particuliers. Cette idée suffit pour vous faire concevoir tout le reste. Ce qu’il y eut de merveilleux fut que tout contribua à le tromper.
Il y eut toutefois des raisons naturelles de cette illusion ; et vous en avez vu quelques-unes dans la disposition où je vous ai marqué ci-devant qu’il avait trouvé les affaires, les corps et les particuliers du royaume ; mais il faut avouer que cette illusion fut très extraordinaire, et qu’elle passa jusques à un grand excès. »4.
Précisons que la société du XVIIe siècle était d’essence corporative. L’individu n’y avait que peu d’importance en lui-même et tirait toute sa valeur du corps auquel il appartenait : lignage noble, compagnie d’officiers, corps ecclésiastique,
corps de métier, corps parlementaire : les compagnies. Or ici Richelieu s’affirme contre la société entière en abaissant les pouvoirs des ces corps, ce, qui entraîne la révolte des parlements pourtant peu portés à la sédition : « Le Parlement, qui jusques à notre siècle n’avait jamais commencé de révolution, et qui certainement aurait condamné par des arrêts sanglants celle qu’il faisait lui- même, si tout autre que lui l’eût commencée. »1. Si cette instance se révolte c’est à cause de l’édit du tariffe, texte législatif sur la fiscalité de l'Ancien Régime adopté en 1646 qui prévoit de taxer fortement toutes les marchandises venant des provinces et entrant dans Paris: « le Parlement, qui avait souffert et même vérifié une très grande quantité d’édits ruineux et pour les particuliers et pour le public, éclata enfin, au mois d’août de l’année 1647, contre celui du tariffe, qui portait une imposition générale sur toutes les denrées qui entraient dans la ville de Paris. Comme il avait été vérifié en la Cour des aides, il y avait plus d’un an, et exécuté en vertu de cette vérification, messieurs du Conseil s’opiniâtrèrent beaucoup à le soutenir. Connaissant que le Parlement était sur le point de faire défenses de l’exécuter, ou plutôt d’en continuer l’exécution, ils souffrirent qu’il fût porté au Parlement pour l’examiner, dans l’espérance d’éluder, comme ils avaient fait en d’autres rencontres, les résolutions de la Compagnie. Ils se trompèrent : la mesure était comble, les esprits étaient échauffés, et tous allaient à rejeter l’édit. »2. Cela se passe sous la Régence. Or, rappelons que, les actes d’une régente n’ayant pas, la même plénitude que ceux d’un roi majeur, la nécessité de leur obéir ne s’imposait pas de la même manière.[1]
Le portrait d’Anne d’Autriche fait par Retz, très critique, a été relevé dans la seconde partie. Il critique aussi Mazarin et Richelieu dans le passage suivant : « Comme il [Mazarin] marchait sur les pas du cardinal de Richelieu, qui avait achevé de détruire toutes les anciennes maximes de l’Etat, il suivait un chemin qui était de tous côtés bordé de précipices ; et comme il ne voyait pas ces précipices, que le cardinal de Richelieu n’avait pas ignorés, il ne se servait pas des appuis par lesquels le cardinal de Richelieu avait assuré sa marche. J’explique ce peu de paroles, qui comprend beaucoup de choses, par exemple.»3. Retz exprime ici un point de vue partagé par de nombreux adversaires de Richelieu, scandalisés par la délégation de pouvoir consentie par Louis XIII à son ministre et par le tour systématique que le cardinal donnait à l’exercice de l’autorité royale.
La Grande Mademoiselle dénonce en Mazarin, on l’a vu, celui qui a donné à la Régence un mauvais esprit. Elle explique aussi à quoi sont dus les malheurs de Mazarin: « Tous les malheurs du Cardinal subsistèrent, et l’on ne devait pas s’en
étonner, puisqu’il avait eu le crédit de faire agréer au roi celui qu’il avait voulu substituer à sa place. Je pense qu’il n’y a jamais eu que lui au monde qui ait disposé, comme par testament, du bien qui dépendait de la pure grâce du roi : cela se peut dire, puisqu’outre la substitution du cardinal Mazarin, il a laissé à la plupart de ses héritiers et de ses amis des charges et des gouvernements. »1. Elle décrit quelqu’un qui privilégie ses intérêts particuliers à la vérité, un homme intéressé, malhonnête : « Ceux qui étaient bien aise d’empêcher que M. le Prince ne tirât de cette action [la levée du siège de Lérida] l’honneur qui lui était dû, comme s’il n’avait pas à acquérir dans les disgrâces aussi bien que dans les prospérités de la guerre, voulurent que ce fût un malheur capable de le décrier et de rabattre un peu de sa fierté. Le cardinal Mazarin, qui était le plus flatté de cette fausse opinion, y trouvait pour son intérêt particulier plus de joie que personne ; depuis le refus qu’on avait fait à ce Prince de la dépouille de son beau-frère (on lui avait refusé la charge de grand amiral qu’avait le maréchal de Brezé, son beau-frère.), dont le cardinal avait profité sous main, ce ministre redoutait toujours le ressentiment qu’il voyait bien que le prince en pouvait conserver ; de sorte qu’il voulait se servir de cette occasion pour affaiblir le crédit de son ennemi dans le public, comme il faisait toujours bien aisément dans le cabinet. »2. Elle lui en veut car il l’a trompée, il ne l’a pas aidée à se marier avec l’Empereur d’Allemagne : « Le dépit que j’en eus me fit rechercher avec tant de curiosité la vérité de ce fait, que je découvris que le cardinal Mazarin et l’abbé de la Rivière m’avaient trompée ; qu’ils ne m’avaient fait voir de belles apparences à cet établissement que pour m’entretenir d’un vain espoir ; qu’ils n’avaient en effet jamais travaillé aux moyens d’en faire réussir le dessein. »3. Elle répond à la reine qu’elle n’a pas eu vent des projets de Saujon, contrairement à ce que pense le Cardinal qui la soupçonne d’intelligence avec l’ennemi : « Sa Majesté fut assez étonnée de la manière dont je répondais ; elle disait à Monsieur et à M. le cardinal Mazarin : « Voyez avec quelle assurance elle soutient qu’elle ne sait rien de toute cette affaire. » Je disais : « L’on en a beaucoup pour soutenir la vérité quand on la dit. ». Elle [la reine] me reprochait et me disait : « il est fort beau qu’une personne qui est attachée à votre service, pour récompense vous lui mettiez la tête sur l’échafaud. »4. Son père, la reine et Mazarin la jugent en privé et elle se défend farouchement. [1]
Elle ne croit pas le cardinal lorsque celui-ci lui dit ne pas avoir rapporté différentes rumeurs plutôt en sa défaveur : « Le lendemain, M le cardinal Mazarin me vint voir et me témoigna être fort fâché de tout ce qui s’était passé,
1. mémoires de mademoiselle de Montpensier P61 partie1 chapitre 2 numérotation gallica
2. mémoires de mademoiselle de Montpensier P150 partie 1 chapitre 5 numérotation gallica
3. mémoires de mademoiselle de Montpensier P159 partie 1 chapitre 5 numérotation gallica
4. mémoires de mademoiselle de Montpensier P168 partie 1 chapitre 5 numérotation gallica
et fit son possible pour me persuader qu’il n’y avait eu aucune part. Pour moi je lui laissai croire que j’en étais toute persuadée ; ce qu’il crut aisément : il se flatte assez d’avoir ce don-là. ». Elle nous relate ce que nous dit monsieur Lenet à propos du ministériat du cardinal : « Comme M. Lenet [Pierre Lenet, conseiller au parlement de Bourgogne, auteur de Mémoires, qui sont dans toutes les collections de Mémoires relatifs à l’Histoire de France) qui est à M. le Prince et qui vient de Bordeaux, était avec moi, il est venu un de vos pages le quérir pour dîner, et [lui dire] que vous l’attendiez ; nous nous sommes moqués de vous, lui et moi.Voyez, [m’a- t-il dit], que son ministère est à craindre ! avant-hier il me voulait faire pendre ; aujourd’hui il me veut donner à dîner. » [Le cardinal Mazarin] me répondit que ce n’était point lui, et me donna une fort méchante excuse. Elle ne le croit pas, doute de sa sincérité. Elle en parle avec animosité.
Retz, des pages 124 à Page 1281, oppose Richelieu à Mazarin en les critiquant tous les deux. Il reconnaît à Richelieu des qualités que n’a pas Mazarin. Richelieu « était homme de parole, où un grand intérêt ne l’obligeait au contraire […] il n’était pas libéral ; mais il donnait plus qu’il ne promettait et il assaisonnait admirablement les bienfaits […] il n’avait ni l’esprit ni le cœur au dessus des périls ; il n’avait ni l’un ni l’autre au dessous […] ». « Mazarin était d’un caractère tout contraire » « il fut capitaine d’infanterie en Valteline : et Bagni, qui était son général, m’a dit qu’il ne passa dans sa guerre, qui ne fut que de trois mois, que pour un escroc. ». Retz parle en moraliste, comme Pascal et La Rochefoucauld, mais fait aussi une critique politique, une critique des ministres du roi.[1]
Il critique par ailleurs, les intendants des finances du roi : d’abord, Emery2 « esprit le plus corrompu de son siècle. » Puis, il critique Nicolas Fouquet qu’il n’aime pas non plus car c’est un partisan de Mazarin : « M. le procureur général Fouquet, connu pour mazarin »3. Il parle peu de Fouquet, seulement à quelques reprises, notamment pour parler de l’action de celui-ci qui est alors surintendant des finances et procureur général. Ainsi dans le passage suivant, Fouquet demande des informations à Condé qui refuse : « [Il] requit, au nom du Roi, que Monsieur le Prince lui donnât communication de toutes les associations et de tous les traités qu’il avait faits et dedans et dehors le royaume ; et il ajouta qu’en cas que Monsieur le Prince la refusât, il demandait acte de sa réquisition et de l’opposition qu’il faisait à l’enregistrement de la déclaration, que Monsieur le Prince venait de faire, qu’il poserait les armes aussitôt que M. le cardinal Mazarin serait éloigné. »4.