Quelles sont les raisons de la victoire de Trump? Dans ce billet, nous vous proposons de faire une analyse du vote aux USA.
L'idéologie républicaine s'appuie sur le concept de rugged individualism créé par Ralph Waldo Emerson, que l'on traduirait en français par "individualisme exacerbé". Ce concept s'appuie sur deux idéaux ultralibéraux. On retrouve d'abord l'éloge des pionniers bâtisseurs des USA, cette nostalgie est palpable dans le slogan de Trump: "Make America Great Again". Ensuite elle se base sur une critique acerbe d'une société qui par ces "carcans" empêche l'individu d'être "libre" et "autonome" traduit en anglais par le concept Self-reliance.
Cette Amérique n'est pas majoritaire, dans le suffrage populaire Clinton l'emporte sur Trump mais la-bas le scrutin est indirect. Pour expliquer simplement, c'est comme si en France on élisait des représentants au niveau de la région, représentants qui ensuite votent pour le président et du coup avec le principe du "Winner takes all" (le gagnant à tous les représentants de la région) certaines régions (aux USA c'est des états) ont plus de poids que d'autres.
Quand on regarde la carte électorale on observe que les états-régions anciennement industriels ont voté majoritairement Trump, il s'agit du Wisconsin, de l'Iowa, du Michigan, de l'Indiana, de l'Ohio et de la Pennsylvanie. Quand on regarde de plus près ces Etats, on observe comme dans toute la carte électorale une opposition entre vote rural et vote urbain.
Attention: il ne s'agit pas de dire que le vote Trump est un vote d'ouvriers au chômage. La désindustrialisation n'explique pas tout, des villes comme Flint, popularisée par le film de Michael Moore Roger and me, ont été frappées par ce phénomènes et votent démocrate. Mais celui-ci s'inquiétait et après coup on peut dire qu'il avait raison.
Trump a aussi su dépasser sa base type d'électorat en Ohio ou il a autant séduit autant les diplomés que Clinton selon le sondage fait à la sortie des urnes par Edison Research For The National Pool.
lien : http://www.nytimes.com/elections/results/president?action=click&pgtype=Homepage&clickSource=story-heading&module=span-abc-region®ion=span-abc-region&WT.nav=span-abc-region
Ce n'est pas Trump qui a gagné mais Clinton qui a perdu.
Oui, je sais, Clinton est devant Trump dans le suffrage populaire de 200.000 voix. Dire qu'elle a perdu peut nous sembler incohérent. Pourtant c'est bien ce qui s'est passé. Clinton perd 5 millions de voix par rapport à Obama en 2012, et 9 millions par rapport à 2008. Trump lui ne gagne pas de voix par rapport à 2008 et 2012 et reste à 60 millions de voix.
Il est très difficile d'identifier ou elle les perd mais certains font déjà des suppositions. On entend ici et là que c'est la faute des jeunes, sous-entendu des partisans de Sanders, qui n'auraient pas voté Clinton. Cet argument ce base sur le fait qu'ils n'ont représenté "que" 19 % des votants mais c'était déjà le cas en 2012. Les jeunes votent relativement peu aux USA car le système d'inscription électorale est très compliqué sachant qu'il n'y a pas de carte d'identité aux USA. Une nomination de Sanders ne pouvait pas changer quoique ce soit à ces modalités.
On entend aussi que c'est la faute des pauvres. Pourtant Clinton reste majoritaire chez les américains gagnant moins 30.000 dollars par an avec 53% de votants. C'est certes moins qu'Obama qui avait eu 63% dans cette catégorie. Mais le problème c'est que ceux qui gagnent moins de 50.000 dollars n'ont représenté que 36% des votants alors qu'ils avaient représentés 41% des votants en 2008. La hausse de Trump est donc plus due à l'abstention d'une partie de l'électorat populaire qui vote démocrate qu'a une véritable adhésion.
L'électorat de Donald Trump.
On voit dans le sondage de sortie des urnes sourcé ci-dessus. L'électorat de Donald Trump, c'est plus les classes moyennes qui ont peur du déclassement qu'un vote populaire. C'est aussi un électorat chrétien, protestant et évangélique qui a voté pour lui. Les frasques de Donald Trump n'ont pas empêché ce vote. C'est peut-être ça que les sondages ont mal évalué. Au final, ils ont une conception de liberté individuelle (expliquée au début) assez forte pour que Trump ne les dérange pas puisque sa vie sexuelle relève de la sphère privée. On pourrait simplifier en disant que c'est des gros hypocrites.
L'électorat de Trump, c'est aussi une majorité des blancs qui représentent encore 70% de l'électorat. La surprise c'est que les femmes blanches ont voté comme les hommes. En limitant l'électorat de Trump aux hommes blanc en colère, les sondages ont oublié qu'ils avaient des femmes elles aussi en colère qui ont en partie voté comme leurs maris. On voit ci-dessous comment la couleur de peau et le statut marital ont joué sur l'élection.
Il en est de même pour le niveau d'éducation. Plus les gens sont éduqués plus ils ont voté Clinton.
Le vote des latinos et le cas de la Floride.
L'élection se joue à peu de chose, l'électorat latino a moins voté pour Clinton que pour Obama en 2012 ce qui a fait basculer de nombreux swing states.
En Floride, cette baisse de participation ce l'électorat latino associé au vote (habituel) des cubains pour les républicains l'a fait basculer alors même que Trump n'en avait pas besoin pour gagner et qu'il avait axé sa campagne plutôt sur les états du Midwest étudiés dans le passage sur les régions désindustrialisées.
Même s'il faut rester prudent, les sondages se sont trompés une première fois, nous sommes dans des sondages à la sortie des urnes qui nous donnent une image de l'Amérique de Donald Trump raciste, peu éduquée, riche et blanche.
Les démocrates ont plus besoin de la mobilisation que les républicains pour gagner. Or la participation de l'électorat démocrate, déçu par les années Obama, a baissé. Du coup, comme l'électorat républicain s'est plutôt stabilisé les courbes se sont croisés. Il faut ici souligner le déficit démocratique qui fait que les petits Etats ruraux acquis traditionnellement aux républicains sont surreprésenté par rapport à la population totale, ce système a abouti au résultat contraire du souhait des pères fondateurs: protéger l'Amérique de ses excès. Le fait que l'inscription sur les listes électorales est particulièrement compliquée pour les jeunes et les minorités a aussi désavantagé les démocrates. Je suis obligé de faire court ici et je vous conseille, si vous voulez prolonger cette réflexion de lire le livre L'amérique défaite de George Packer.