Après avoir lu l'entretien de Nicolas Sarkozy dans les échos je me suis fait une remarque : "tient ça pourrait peut-être être le programme du PS, il est gentil de leur donner des idées vu qu'eux ils n'en ont plus". En réalité Sarko n'en a pas lui non plus il ne fait (lui aussi) que écrire ce que lui dit le Medef mais bon vous comprenez l'esprit. Du coup j'ai décidé de reprendre cet entretien et de le transformer en entretien de Manuel Valls. Comme vous pouvez le constater, les différences sont minimes.
INTERVIEW - 35 heures, impôts, retraites, fonctionnaires, chômage... c’est un véritable chamboulement du modèle économique et social que propose Manuel Valls. « Le choix est entre le décrochage et la renaissance », la gauche ne doit pas être passéiste mais moderne.
Comment jugez-vous la situation économique actuelle ?
Hélas malgré notre politique probusiness, il n'y a aucune reprise en France. J'en conclus donc qu'il faut faire aller plus loin. Notre pays est désormais le seul, parmi les principales économies européennes, à ne pas connaître de baisse du chômage. Les chefs d’entreprises et plus largement les Français ne constatent aucune amélioration tangible. Et comment pourrait-il en être autrement ? Il y a en France un véritable ras le bol fiscal, il faut donc encore faire des diminutions d’impôt. Malgré la simplification, l'ANI, le CICE, et la loi macron, il y a encore une multiplication de contraintes, de normes qu'il faut supprimer.
Il y a tout de même eu le pacte de responsabilité?
La gauche du PS vrauchiste a tout fait pour qu'il soit gâché et devienne inepte. Du coup le pacte de responsabilité n'a pas assez produit d'effet. Il faut donc l'améliorer et faire un pacte de compétitivité.
Comment jugez-vous le rapport Combrexelle sur le droit du travail qui vient de vous être remis ?
Le rapport est pertinent, malheureusement Gerard Filoche l’a vidé de sa substance en affirmant, avant même qu’il lui soit remis, qu'il ne fallait ni modifier le temps de travail, ni le contrat de travail. Il faut mettre fin à l'anarco-syndicalisme qui gouverne la France. Comment peut-on prétendre assouplir le droit du travail, quand on pose comme postulat que tous les grands sujets sont tabous ? Le code du travail sera réformé ou ne sera pas.
Que proposez-vous pour faire revenir davantage de croissance et faire baisser le chômage ?
La situation économique est si grave que ce n’est pas de réformes dont il faut parler, mais d’une véritable refondation du modèle social et économique.
La politique du gouvernement, c’est le compte pénibilité, des baisses d’impôts et des emplois aidé. Tout doit être fait pour rendre les activités existantes compétitives, faire émerger des activités nouvelles, innover, entreprendre. C’est le choix de tous nos partenaires européens. L’entreprise doit être le cœur de notre politique économique, notre priorité, je dirais même notre obsession. Une fois pour toute, il faut comprendre que l’entreprise c’est l’emploi.
Commençons par le marché et le droit du travail. Quelles sont vos propositions ?
Il faut sortir d’un système dans lequel tout est imposé d’en haut, et tout repose sur un principe de défiance. Le dialogue social ne fonctionne plus en France. La négociation sociale doit désormais se dérouler d’abord dans les entreprises, plutôt qu’au niveau de la branche ou du confédéral.
Deuxième point : quand un accord dans l’entreprise n’est pas possible entre les partenaires sociaux, ce sont les salariés de cette même entreprise qui doivent pouvoir trancher par référendum. Les résultats de ce vote ne devraient pas pouvoir être remis en cause par les tribunaux, à la condition qu’il respecte bien sûr les normes fondamentales.
Troisième point : il faut poser la question de la représentativité syndicale. Les délégués syndicaux doivent cesser d’être nommés par les syndicats, ils doivent pouvoir être élus par les salariés. Et dans ce cadre, il faut autoriser la liberté de candidature dès le premier tour, ce qui signifie la remise en cause du monopole de présentation des syndicats.
Quid du contrat du travail et de sa rupture ?
Il faut faire confiance aux chefs d’entreprise et cesser de les caricaturer. Aucun chef d’entreprise ne licencie pour le plaisir. Le licenciement économique doit être rendu possible y compris pour réorganiser l’entreprise quand il est encore temps. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où il est autorisé uniquement quand elle va très mal et avec un niveau de contraintes parmi les plus rigides d’Europe, ce qui a trois conséquences : cela freine les embauches, parce que les chefs d’entreprise ont peur de ne pas pouvoir s’adapter à leur carnet de commandes ; cela a largement contribué à ce que 80 % des recrutements se fassent en CDD au détriment du CDI ; quand ils licencient, la situation est devenue si dramatique qu’au final il y a davantage de licenciements. Et sur ce point, j’ajouterais que ce n’est pas au juge de contrôler l’opportunité d’une réorganisation dans une entreprise. Enfin, je suis favorable au plafonnement des indemnités de licenciement, pour apporter plus de visibilité et de sécurité juridique. La rigidité du droit social, loin d’être une protection, est un frein considérable au recrutement.
Que proposez-vous en matière de seuils sociaux ?
Il faut mettre fin à un système qui introduit tellement de contraintes et de rigidités que les entreprises sont freinées dans leur développement et leurs créations d’emplois. Je propose de supprimer le seuil de 10 salariés pour les délégués du personnel et de fusionner l’ensemble des instances de représentation du personnel au-delà de 50 salariés, les entreprises qui le souhaitent pouvant garder des instances distinctes. J’ajoute que les commissions régionales pour les TPE créées par ce gouvernement, au mépris de l’avis des chefs de petites entreprises, doivent être supprimées.
Pensez-vous encore qu’il faille alléger les 35 heures ?
Si une entreprise veut sortir des 35 heures, elle doit pouvoir le faire. Je pose une condition : personne ne doit travailler plus et gagner moins. Les 36 heures devront être payées 36, les 37 heures 37 etc. Pour les entreprises qui ne souhaiteront pas sortir des 35 heures, elles pourront choisir d’y rester. C’est cela faire confiance ! C’est donner à chacun le droit de sortir des 35 heures. Les salariés gagneront davantage. Les entreprises auront la souplesse et donc la compétitivité. La négociation et le dialogue deviendront la règle.
Pourquoi n’avez-vous pas été aussi radical en 2012?
Parce qu'il fallait virer Nicolas Sarkozy et que pour ça il fallait un programme un minimum de gauche.
Faut-il revoir aussi le statut des fonctionnaires ?
Oui, il n'est ni adéquat, ni justifiable
L’assurance-chômage est-elle un chantier prioritaire?
Absolument. Car la situation est doublement catastrophique. 35 milliards de déficits accumulés en 2018, c’est l’équivalent d’une année de cotisations. Ça ne peut plus continuer comme cela. En outre, ce système n’est pas suffisamment incitatif au retour à l’emploi, avec un nombre de chômeurs de longue durée qui n’a jamais été aussi élevé en France. Les précédentes négociations entre les partenaires sociaux n’ont abouti à rien de substantiel. Cette fois nous ferons une loi sans eux s'il le faut.
Ne croyez-vous pas à la possibilité d’un accord paritaire d’ici à l’été?
La question n’est pas de savoir s’il y aura un accord, mais ce qu’il y aura dedans. Dans le dernier, il y avait surtout des augmentations de cotisations, à la charge des entreprises… La France ne peut plus supporter les revendications de la CGT.
Faut-il continuer les baisses d’impôt sur le revenu décidées depuis 2012 ?
Il faut un choc fiscal positif, mais la priorité, c’est l’emploi, donc la baisse des charges pesant sur le travail. Pour cela, il faut aboutir à un SMIC sans aucune charge pour l’employeur, car c’est l’une des clefs pour des créations rapides d’emplois. Toujours au nom de l’emploi, il est urgent de baisser les charges sur les emplois familiaux, qui ont été considérablement alourdies par ce gouvernement. Le nombre d’heures déclarées baisse de manière continue depuis 2012. C’est un gisement essentiel d’emplois, un enjeu majeur pour les Français, par exemple pour la garde d’enfants ou l’aide aux personnes âgées.
Pouvez vous gagner avec un programme libéral?
Toutes ces étiquettes n’ont plus de sens. Il faut mettre le travail, la confiance, la liberté au cœur de notre projet. La France peut renouer avec la croissance et l’emploi. D’autres en Europe l’ont fait. Leur point commun, c’est d’avoir mis la compétitivité au centre de leur politique économique. Le statu quo nous mène droit dans le mur. Nos compatriotes doivent savoir : il y a un chemin pour s’en sortir. Je le crois !