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resistanceetamour

Ceci est le blog d'un documentaliste révolté contre les injustices de notre société.

Conservation du patrimoine, valorisation du patrimoine : opposition ou synergie ?

Publié le 22 Janvier 2014 par resistanceetamour

Ceci est une composition. La différence entre la composition et la note de synthèse est que l'on peut s'engager dans la première, notamment dans la conclusion. On doit présenter tous les points de vue mais on peut les critiquer. Resistance et amour profite aussi de cet italique pour vous annoncer que son auteur ne peut pas écrire jusqu'au 7 février, il prépare des concours et vous annonce une belle surprise pour le 10 février.

« Qui se ressemblent s’assemblent. », « Les opposés s’attirent. » Certains proverbes sont résolument contradictoires. Il nous est demandé ici si la conservation et la valorisation du patrimoine s’opposent ou sont en synergie mais est-ce contradictoire ?

Pour répondre à cette question, expliquons la synergie. Le terme associe deux mots grecs sun, avec, et ergon, travail. Ainsi le Littré le définit-il comme l’association de plusieurs organes qui coordonnent leur action pour l'accomplissement d'une fonction. Deux organes peuvent s’opposer et être synergie, ce n’est donc pas contradictoire.
Conservation et valorisation du patrimoine semblent s’opposer.

Pourquoi et comment mettre en synergie deux concepts qui semblent s’opposer ?

Pour répondre à cette question nous définirons le patrimoine puis nous expliquerons pourquoi ces deux concepts s’opposent et enfin nous justifierons pourquoi il faut les mettre en synergie.

Le patrimoine est une notion qui remonte au Droit Romain. En Droit Romain, le patrimoine – en latin patrimonium – est l'ensemble des biens appartenant à un père de famille (pater familias) qui, à sa mort, pouvait passer à un héritier. Il s’agit de la notion de propriété privée contre laquelle se dressent Jean Jacques Rousseau et Proudhon. C’est une entité juridiquement définie et un ensemble de bien concret. Le patrimoine était alors lié à la notion de classe sociale, étant divisé entre patrimoine ecclésiastique, patrimoine aristocratique et patrimoine royal.

La notion de patrimoine public apparaît après la Révolution. Jusqu’en 1793 le « vandalisme » - tout acte de destruction ou de dégradation visant des biens publics ou privés - fut plutôt encouragé par la République qui voulait briser les symboles de la Monarchie. Cependant la République a progressivement changé sa politique en ce qui concerne les biens culturels. En 1789 les biens du clergé sont décrétés « biens nationaux » : la nation a depuis lors le devoir de conserver les monuments historiques puisqu’ils font partie du patrimoine collectif national ; les biens de la Couronne de France sont aussi nationalisés en 1792. En 1790 sont créées les Archives Nationales et en 1794, leur consultation devient libre et gratuite. La Révolution qui a permis d’instaurer la République a introduit la notion d’un idéal de bien commun, d’un patrimoine qui nous appartient à tous.
Selon l’historien Dominique Poulot le « patrimoine relève de la réflexion savante mais aussi d’une volonté politique sanctionnée toutes deux par l’opinion publique et le sens commun au sein du jeu complexe des sensibilités à l’égard du passé ». Et selon André Chastel : « sa perte constitue un sacrifice, sa conservation suppose des sacrifices ». Le Patrimoine est aujourd’hui un bien commun d’une collectivité considéré comme un héritage transmis par les ancêtres.

Enfin en 1794, dans une tribune de la Convention, l’abbé Grégoire dénonce le vandalisme en déclarant : « Les barbares et les esclaves détestent les sciences et détruisent les monuments des arts, les hommes libres les aiment et les conservent ». L’abbé Grégoire dit, dans ses mémoires, à propos du vandalisme : « Je créai le mot pour tuer la chose ». Ce mot - qui fait référence au peuple germanique qui renversa l’Empire Romain - a été créé pour sensibiliser les esprits aux biens publics.

Pourquoi peut-on dire que la conservation s’oppose à la valorisation ?

Pour répondre à cette question il faut d’abord expliquer le concept de conservation préventive. L’idée de départ est que la dégradation est inéluctable que ce soit avant ou après l’entrée dans des collections patrimoniales, il faut la ralentir, ce que va permettre la conservation préventive. Elle agit sur les causes de dégradations liées à l’environnement des objets et à leur gestion. L’objectif est d’éviter le plus possible la restauration, c’est-à-dire l’intervention sur un objet pour le mettre en valeur, remettre en place un état précédent qui a été altéré. Le « re » de restauration évoque un retour en arrière. De plus l’un des problèmes de la restauration c’est qu’elle est politisée, les négationnistes vont par exemple l’utiliser comme prétexte pour crier à la manipulation. On doit donc, à la restauration, privilégier la conservation préventive ce qui est loin d’être le cas pour l’instant. Un homme politique préfère dire « j’ai sauvé un document précieux » que « j’ai acheté une cinquantaine de ventilateurs pour sécher des documents mouillés »

La valorisation, ou mise en valeur d’un bien passe par la promotion de la diversité de notre patrimoine à l’international, mais cette communication coûte cher. Aussi Françoise Benhamou et Olivier Thesmar, auteurs en 2012 d’un rapport nommé « Valoriser le patrimoine culturel de la France » énumèrent une série de recommandations pour la financer. Ils conseillent de mesurer directement la disposition à payer des citoyens français pour certaines parties du patrimoine national, d’améliorer les politiques de soutien du patrimoine. Ils veulent consolider le financement du patrimoine en faisant financer l’entretien du patrimoine par ceux qui en bénéficient financièrement, en réformant la tarification des musées.

Si la politique de conservation préventive est appliquée de façon trop stricte on nuit à la communication. Or le conservateur a deux missions fondamentales : conserver et communiquer. Evidemment conserver et communiquer, c’est contradictoire. Plus on communique, plus l’œuvre est altérée. Pour faire simplifier les difficultés du métier de conservateur se résument en quatre C : le Conflit - entre communication et conservation - la Complexité - des recommandations à priori simples conduisent à des réalisations complexes – le Coût - les réalisations complexes sont onéreuses – et le Compromis - il faut trancher entre les réalités pratiques et les réalités pratiques et économiques.

La valorisation et la conservation sont nécessaires. Pour valoriser, il faut communiquer car si le patrimoine tombe dans l’oubli, il perd de sa valeur. Si l’on communique trop, il se passe ce qui s’est passé à Lascaux ou suite à la multiplication d’erreurs de conversation - dont la réalisation d’une toiture, l’aménagement de la grotte pour les touristes et leur trop grand nombre - ont amené à un point de non-retour qui a entraîné l’invasion d’algues et de champignons. Suite à cet état de fait la grotte de Lascaux est fermée en 1963. Au début des années 1970, un fac-similé - c'est-à-dire une reproduction d'une partie de la grotte - est réalisé et ouvert au public en 1983. Lascaux est un exemple qui montre qu’en pensant trop au public, on atteint le point 0 de la conservation. De même, si on pense trop à la conservation, on atteint le point 0 de la communication. Pourtant la communication est nécessaire car elle met en valeur la conservation. Cette dernière se justifie car l’objectif est de mettre les richesses du patrimoine à la disposition du plus grand nombre. La mise en valeur du patrimoine est une des missions du Ministère de la Culture, c’est un atout et non pas une « charge ». Cette mise en valeur repose sur l’organisation de manifestations par les agents du patrimoine. Elle passe aussi par le développement de l’éducation culturelle et artistique. On peut la considérer comme un levier du développement local, en effet elle a des retombées éducatives, économiques via le secteur touristique, et sociales.

Conservation du patrimoine, valorisation du patrimoine : opposition ou synergie ?

Comment communiquer tout en conservant ? La numérisation le permet mais tout n’est pas numérisé. Il est impossible de tout numériser, cela prend trop de temps.

Il est possible de communiquer tout en conservant. Par exemple la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence est ouverte au public et aux fidèles mais le conservateur ne permet pas l’utilisation du bénitier qui pourrait être endommagé ; de même le tryptique du Buisson Ardent qui a été plusieurs fois restauré n’est ouvert que six mois par an, ce qui permet de le garder en bon état.

Pour conclure on peut dire qu’on ne peut pas tout conserver, ni tout communiquer. Il faut faire au mieux tout en tenant compte des réalités qui s’imposent. Les conceptions de valorisation et de conservation doivent être mises en synergie malgré leur opposition initiale. Il faut le faire car elles sont complémentaires, l’essentiel est de les faire agir ensemble pour mettre en valeur nos biens culturels communs, notre patrimoine.

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