Le dimanche 3 novembre, l’émission Capital a fait une émission sur Marseille qui, si elle avait des bons côtés (démontage du système FO, critique de la tour H99 et des projets architecturaux fous) a eu cinq manquements pourtant essentiels pour comprendre cette ville. Je vais les corriger par ordre d’importance
- Marseille, une ville pauvre et riche à la fois.
Capital a un peu montré que Marseille était une ville à la fois pauvre avec 26% des marseillais en dessous du seuil de pauvreté et riche par la présentation du Roucas Blanc. C’était plutôt bien fait mais ils auraient pu ajouter que Marseille est après Neuilly la ville la plus inégalitaire de France avec un rapport inter-décile de 1 à 15, qu’elle compte le quartier le plus riche de France (hors Île de France) et 20 des quartiers les plus pauvres du pas. Bon ce n’est pas vraiment une erreur et on va pas en demander trop à Capital hein, c’est M6.
- Allauch, exemple de ville propre.
La première erreur est de citer Allauch en exemple de ville propre. On a envie de dire oui certes c’est propre Allauch sauf que c’est l’une des villes qui acceptent le moins les pauvres puisqu’ils n’ont que 7% de logements sociaux. Il est probable que dans la tête du maire les pauvres sont sales. Bon donc l’erreur n’est pas majeure mais peut-être qu’on pourra comparer Allauch avec Marseille quand la 1ére ville respectera la loi SRU. Certes à Marseille le maire les a tous mis dans les quartiers nord mais au moins elle est respectée (en fait il faudrait une loi pour que la loi SRU soit respectée dans tous les arrondissements d’une ville).
- Le tourisme (et les savons de Marseille).
Le seul passage intéressant dans ce passage c’est quand on voit la haine (et les préjugés) que les écoles de tourisme ont eu pour Marseille parce que cette ville, c’est la ville de la diversité. On voit dans cette émission l’apologie de l’économie touristique genre : c’est trop cool 1998 a tout changé dans la ville de Marseille parce qu’on a compris des choses (oui c’est stupide). L’apologie de cette économie est stupide puisque le tourisme est une économie précaire avec des emplois courts et précaires. Comble du ridicule Capital ment à son public en déclarant que le savon de Marseille vendu sur le vieux port est une « production locale artisanale ». Le savon de Marseille est souvent fait en chine (et quand vous voyez des savons de plusieurs couleurs c’est souvent un mauvais indice sachez-le). Comble de l’horreur 80% des savons de Marseille seraient composés de graisse animale (c’est moins cher que l’huile d’olive que les fabricants sont censés mettre). L’une des dernières vraies savonneries (il doit y en avoir grosso modo 3) c’est marius fabre.
- Une image biaisée de la rénovation, les ravages de la délinquance en cols blancs.
Capital nous montre une image biaisée de la rénovation. Capital n’a pas consacré une minute à la délinquance en col blanc, nous allons combler ici ce manque.
Marseille vient de vivre de nombreux bouleversements urbains dont témoignent son tramway, son nouveau Vieux Port, son MUCEM et le Waterfront sur la Joliette inaugurés à l’occasion de Marseille Capitale Culturelle 2013. Ces nouveaux espaces publics et aménagements sont appropriés par les touristes et par les habitants. Pourtant, derrière les façades, les habitants de ces quartiers vivent depuis des décennies sous le choc de politiques publiques et privées remettant en cause leur droit à la ville, et leur droit d’habiter le centre-ville. Le mal – logement demeure, les opérations de réhabilitation de l'habitat sont inachevées, l’espace public mis à mal ou privatisé. Au Panier la rénovation se résume à l’hôtel-Dieu auparavant un hôpital qui abritait les nécessiteux qui va devenir un hôtel 5 étoiles pour cacher les quartiers pauvres.
La « ville nouvelle » voulue par la mairie naît dans le périmètre d' Euroméditerranée au prix de l'abandon du centre historique.
Les habitants des quartiers anciens, en particulier Rue de la République, ont vécu une décennie de chocs et de contrastes, entre luttes passées et présentes pour le droit à la ville, leurs échecs et réussites. Ils ont dû résister aux pressions des propriétaires pour leur faire quitter les appartements, sous prétexte de réhabilitation et de projet Euroméditerranée.
La rue de la République était habitée, mais dégradée. Vint en 2004 un investisseur miraculeux, un fonds de pension américain au nom de Lone Star, puis de Lehmann Brothers. Il décida avec la Mairie de réhabiliter, en chassant 600 familles. S'ensuivit une décennie de résistances et de combats pour le droit au logement...360 ménages ont été relogés en social, d’autres non. La vie commerciale a été détruite, et le relogement social partiellement gagné, toujours en travaux (26 rue Colbert). Les commerces rue de la République se portent mal : les commerçants de proximité, indépendants, ont été remplacés par des « franchisés », qui proposent les mêmes produits que partout ailleurs, orientés « touristes » ou par des boîtes à cartons. C’est un grand gâchis humain et social, sauf pour les fonds de pension qui ont fait leur profit, avant de se relocaliser ailleurs.
Je ne fais ici qu’un court résumé, il faut absolument lire cet article pour tout comprendre : http://marseille2008.no-vox.org/spip.php?article44
Il nous faut aussi remarquer qu’aucune critique de la rénovation du panier n’est faite dans Capital alors qu’il y a eu de nombreuses critiques. Eux aussi ils se sont plaints d’expulsions, mais cela n’intéresse pas capital. Voici un bon dossier sur cette rénovation publié en 2005 dans le journal La Marseillaise : http://www.centrevillepourtous.asso.fr/IMG/lamarseillaise310305.pdf
Enfin il ne faut surtout pas oublier de lire l’article de Rue89 Abus et dérives de la rénovation urbaine à Marseille : http://www.rue89.com/marseille/2008/11/21/abus-et-derives-de-la-renovation-urbaine-a-marseille
Tous ces articles sont importants car ils ont en commun de critiquer les processus de gentrification qui font que les classes populaires vont avoir de plus en plus de mal à se loger.