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resistanceetamour

Ceci est le blog d'un documentaliste révolté contre les injustices de notre société.

partie 1 de la première partie de ma recherche

Publié le 18 Juin 2012 par resistanceetamour in histoire

 

 

I-                  Qui sont ces mémorialistes et que représentent-ils?

Présentons-les d’abord chronologiquement.

 Le Cardinal de Retz a vécu de 1613 à 1679, la Grande Mademoiselle de 1627 à 1685 et Dangeau de 1638 à 1720. Ils nous permettent de travailler sur une période longue au cours de laquelle la monarchie absolue de droit divin s’est imposée. De plus, chacun d’entre eux fait état de celui qui l’a précédé.

Le fondateur de la famille de Jean François Paul de Gondi, cardinal de Retz, est Antoine de Gondi, [1486-1560]  banquier à Lyon d’ascendance florentine, d’implantation récente en France, Aussi ne peut-on pas le ranger   parmi les maisons d’excellente noblesse terrienne mais grâce à leur inébranlable fidélité à la couronne, pendant les guerres de Religion, les Gondi sont rapidement inclus à la plus haute aristocratie en France. Ils ont contracté de flatteuses alliances dans la vieille noblesse, rassemblé nombre de seigneuries opulentes, occupé les fonctions les plus prestigieuses de l’Etat et de l’Eglise. Le  père de Retz, Philippe-Emmanuel (1581-1662), troisième fils du maréchal Albert (1522-1602), est Général des Galères depuis 1598. Son oncle Henri 1er (1572-1622), deuxième fils du maréchal et futur cardinal, dirige le diocèse de Paris devenu un bien de la famille depuis cette date. Il est fier de ses origines nobles: « je sors d’une maison illustre en France et ancienne en Italie. Le jour de ma naissance on prit un esturgeon monstrueux dans une petite rivière qui passe sur la terre de Montmirail en Brie où ma mère accoucha de moi. »1. Il prétend d’ailleurs aussi ne pas être à l’origine de cette fable. «  Comme je ne m’estime pas assez pour me croire un homme à augures, je ne rapporterais pas cette circonstance, si les libelles qui ont depuis été faits contre moi, et qui en ont parlé comme d’un prétendu présage de l’agitation dont ils ont voulu me faire l’auteur, ne me donnaient lieu de craindre qu’il n’y eût de l’affection à l’omettre. »2. Il sera cardinal en 1652, à 39 ans. Il n’accepte qu’à contrecœur la carrière ecclésiastique que lui a imposée l’intérêt familial, financier et ecclésiastique : « Permettez-moi, je vous supplie, de faire un peu de réflexion sur la nature de l’esprit de l’homme. Je ne crois pas qu’il y eût au monde un meilleur cœur que celui mon père, et je puis dire que sa trempe était celle de la vertu. Cependant et ces duels et ces galanteries ne l’empêchèrent pas de faire tous ses efforts pour attacher à l’église l’âme peut-être la moins ecclésiastique qui fût dans l’univers : la prédilection pour son aîné et la vue de l’archevêché de Paris, qui était dans sa maison, produisirent cet effet. »3.[1]

Il se résigne alors à jouer le jeu imposé par son père, c’est ce qu’on peut remarquer dans les mémoires de la Grande Mademoiselle : « Je couvris très bien mon jeu dans le commencement : j’avais fait l’ecclésiastique et le dévot dans tout le voyage ; je continuai dans le séjour. »4.[2]

La cause en est que son frère, Henri III (1610-1622), est mort la même année que son oncle Henri 1er, premier cardinal de Retz depuis 1618. Or dans l’ordre d’héritage, c’est son frère qui aurait dû succéder à Henri Ier. Ainsi, à 9 ans, il se voit dans l’obligation de prendre la place de son frère. C’est à la suite de son oncle Jean-François, qu’il héritera l’archevêché, précédemment diocèse. Or, dans un premier temps il était voué à une carrière militaire. Il aurait pu porter le mousquet au service du roi ou entrer comme chevalier dans l’ordre de Malte. Ainsi, alors qu’il rêvait de s’illustrer par les armes, il se trouve contraint par les prétentions familiales d’accepter la carrière ecclésiastique, bien qu’il ne se voie pas ecclésiastique: « et quoique je n’eusse aucun dessein d’être d’Eglise, je me résolus, à tout hasard, d’acquérir de la réputation dans une cour ecclésiastique où l’on me verrait avec la soutane. »5. «  Toutes ces considérations jointes ensemble ne me firent pas tout à fait perdre la résolution de quitter la soutane ; mais elles la suspendirent. »6. Par ailleurs Retz est un libertin, a de nombreuses conquêtes, notamment madame de Guéméné, Anne de Rohan, et la signora Vendranina, ce qui le met en péril : « Mon père et ma tante de Maignelais, qui se joignaient ensemble, la Sorbonne, Vanbroc, Monsieur le Comte, mon frère, qui était parti la même nuit, Mme de Guéméné, à laquelle ils voyaient bien que j’étais fort attaché, souhaitaient avec passion de m’éloigner et de m’envoyer en Italie. J’y allai, et je demeurai à Venise jusques à la mi-août, et il ne tint pas à moi de m’y faire assassiner. Je m’amusai à vouloir faire galanterie à la signora Vendranina, noble Vénitienne, et qui était une des personnes du monde les plus jolies. »7.

Pour ce qui est de son rêve de carrière militaire, plus son âge avance, moins il a de chance de porter le mousquet : « J’avais vingt-cinq ans passés, et je concevais aisément que cet âge était bien avancé pour commencer à porter le mousquet ; et ce qui me faisait le plus de peine était la réflexion que je faisais, qu’il y avait eu des moments dans lesquels j’avais, par un trop grand attachement à mes plaisirs, serré moi-même les chaînes par lesquelles il semblait que la fortune eût pris plaisir de m’attacher, malgré moi, à l’Eglise. »8. Il se résout alors à une carrière ecclésiastique.

Quels sont les charges et pouvoirs de Retz? Il est nommé le 12 juin coadjuteur de son oncle Jean-François, archevêque de Paris, ce qui est un premier pas vers la succession à l’archevêché qu’il héritera en 1653. S’il doit démissionner de l’archevêché en 1661, il reste cardinal et en tant qu’homme d’église, il joue le rôle d’intermédiaire entre le roi et le Pape et a des pouvoirs. Retz, à la demande de Louis XIV, a rédigé un mémoire sur les mesures à prendre pour faire céder le pape Alexandre VII sur la nomination de l’évêque de Rodez, Hardouin de Péréfixe comme archevêque de Paris. Alexandre cédera en 1664, après que le roi aura appliqué ces mesures, c’est un succès pour lui. A partir de cette date, c’est le roi qui nommera évêques et archevêques et cardinaux. On le voit chez Dangeau le vendredi 10 janvier 1690 : « Le roi vient de donner à M. l’archevêque de Paris sa nomination au cardinalat ».

Retz a aussi été envoyé à Rome en 1665 pour régler les conflits avec ce pape, dus aux censures émises par la Sorbonne contre un livre du jésuite espagnol Mathieu de Moya, affirmant l’infaillibilité pontificale. C’est un deuxième succès, il parvient à convaincre le pape qui condamne ce livre en 1666 en mettant en cause la morale débridée de son auteur alors qu’il ne voulait pas le faire au départ. En plus de ce rôle d’intermédiaire, Retz a un autre rôle important. En tant que Cardinal il fait partie de ceux qui votent pour élire le pape et peut alors désigner un pape plus ou moins en accord avec le pouvoir royal, selon son envie. En 1655, il participe à l’élection d’Alexandre VII et milite pour l’élire alors que cette élection n’est pas voulue par Mazarin. En  revanche en 1667, il participe à faire élire le candidat voulu par la France, Clément IX. C’est en 1676, lors de l’élection d’Innocent XI qu’il participe pour la dernière fois à l’élection d’un pape. Lorsqu’il est en exil, suite à son évasion, il a le soutien d’Innocent X : « le pape Innocent, qui était un grand homme, avait eu une application particulière au choix qu’il avait fait des sujets pour les  promotions des cardinaux, et il est constant qu’il ne s’y était que fort peu trompé. ».

Il a un rôle d’aide du pouvoir pour maintenir la paix sociale. Il est cardinal, c’est à dire : membre du sacré collège conseiller du pape. Ce mot vient du latin cardinalis qui veut dire pivot, ainsi c’est un pivot de la société. Il a quatre vertus (justice, prudence, tempérance, force).

Aux yeux de ses contemporains, il fait figure de téméraire et revendique son indépendance d’esprit. Même ses adversaires semblent la reconnaître ; selon Tallemant des Réaux, Richelieu l’appelait « ce petit audacieux » et disait qu’il avait « une mine patibulaire » (digne du gibet, de la potence) ; Retz confirme cela complaisamment par des propos qu’il prête à Richelieu : « On me conseillait de commencer par de petits couvents, où je m’accoutumerais peu à peu. Je fis tout le contraire. Je prêchai l’Ascension, le Pentecôte, la Fête-Dieu dans les petites carmélites, en présence de la Reine et de toute la cour ; et cette audace m’attira un second éloge de la part de M. le Cardinal de Richelieu ; car, comme on lui eut dit que j’avais bien fait, il répondit : « Il ne faut pas juger des choses par l’événement ; c’est un téméraire. » j’étais, comme vous voyez, assez occupé pour un homme de vingt-deux ans. »9. Selon Retz lui-même, Richelieu aurait également dit « Voilà un dangereux esprit »10, après avoir lu La Conjuration de Jean-Louis de Fiesque, que Retz prétend avoir composée à dix-huit ans : « que j’avais faite à dix-huit ans »11. Il s’agit d’un récit enthousiaste de la tentative menée par le jeune Gênois pour renverser la tyrannie d’Andrea Doria12. Il s’incarne dans le personnage de Fiesque en l’idéalisant.

Il prétend avoir animé les principales (journées) de la Fronde, tenu le pavé à Paris, et y avoir gardé prisonniers la Reine et le jeune Roi. Or, il est possible, c’est l’avis des historiens, qu’il ait largement exagéré l’ampleur et l’efficacité de son action pendant les troubles et qu’il se soit attribué un rôle qu’il n’a pas eu. Mais à ce rôle, beaucoup de contemporains ont cru, et ses exploits de factieux, l’ont fait passer pour redoutable aux yeux de tous, et encore plus aux yeux de Mazarin, qui voit en lui le responsable des malheurs de l’Etat. Pourtant la Reine et le ministre se résignent à lui accorder le poste de Cardinal. Il semble croire devoir quelque chose à la Reine : « Je m’enveloppai pour ainsi dire dans mon devoir ». Mais les moqueries lui font prendre conscience du contraire : « J’étais sur le point de dormir tranquillement  dans ces pensées, lorsque Laigue arriva, qui venait du souper de la Reine, et qui me dit que l’on m’y avait tourné publiquement en ridicule, que l’on m’y avait traité d’homme qui n’avait rien oublié pour soulever le peuple sous prétexte de l’apaiser, que l’on avait chifflé dans les rues, qui avait fait semblant d’être blessé quoiqu’il ne le fût  point, enfin qui avait été exposé deux heures entières à la raillerie fine de Bautru, à la bouffonnerie de Nogent, à l’enjouement de La Rivière13, à la fausse compassion du Cardinal et aux éclats de rire de la Reine. Vous14 ne doutez pas que je ne fusse un peu ému ; mais dans la vérité je ne le fus pas au point que vous le devez croire.  ».

[3]

 

 

Cet épisode traduit l’ambition de Retz tout comme le moment où il lutte contre un parent et protégé de Richelieu, l’abbé de La Mothe-Houdanqourt pour avoir la première place de théologie de la Sorbonne en 1638, place qu’il obtient.

Une amnistie décrétée le 22 octobre 1652 par Louis XIV permet à Retz d’échapper un temps à la punition de ses actions passées de frondeur. Mais Retz est considéré en haut lieu comme un dangereux trublion et on veut l’empêcher de nuire à l’avenir. Le 19 décembre, Retz va au Louvre. Il est arrêté vers onze heures par le marquis de Villequier, capitaine des gardes.



1. P56 cardinal de Retz, mémoires édition Michel Pernot

2. Ibid

3. mémoires du cardinal de Retz édition Michel Pernot, p 57

4.  mémoires du Cardinal de Retz édition Michel Pernot, P 58

5. P 67, mémoires du Cardinal de Retz édition Michel Pernot

6. P 68, mémoires du Cardinal de Retz édition Michel Pernot

7. P66, mémoires du Cardinal de Retz édition Michel Pernot

8. P78, mémoires du Cardinal de Retz édition Michel Pernot

9. mémoire de retz édition Michel Pernot P 64 et 65

10. mémoire de retz édition Michel Pernot P64
11. mémoire de retz édition Michel Pernot P64

12. Andrea Doria 1466-1560 : condottiere (c'est-à-dire mercenaire) au service d’Innocent VIII, de Ferdinand 1er de Naples. Il lutte contre les français, maîtres de Gènes, puis après la bataille de Marignan, change de camp et devient amiral de la flotte génoise. Puis il  passe à la solde de François 1er, puis de Clément VIII et reprend la ville aux Espagnols. Il obtient le respect de l’indépendance de Gènes et est accueilli par les Génois comme le sauveur le 13 septembre 1528. Il mène à bien la réforme constitutionnelle, puis avec le titre de syndic perpétuel il exerce une véritable dictature contre laquelle se battent les Fieschi en 1547 mais qu’ils n’ébranlent pas.

13. Louis Barbier abbé de La Rivière, conseiller et ami de Gaston d'Orléans, grand aumônier de la reine, il perçoit les revenus de riches abbayes, il joue un rôle non négligeable pendant la période de la Fronde intriguant entre son protecteur Gaston, la régente Anne d'Autriche et le parti de Condé pour obtenir le chapeau de cardinal. Il dut se contenter de devenir évêque de Langres en 1655.

14. Il s’adresse, nous le reverrons plus tard, probablement à Marie de Rabutin-Chantal, baronne de Sévigné, dite la marquise de Sévigné, épistolière française. Elle est veuve dès vingt-cinq ans en 1651 ce qui lui permet d’avoir un rôle important. Elle a un petit rôle politique,  elle s’engage dans la défense de Fouquet. Mais elle a surtout un rôle culturel, elle fréquente les salons pour y lire ses lettres.

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